MÉDAILLE
COMMÉMORATIVE INTERALLIÉE
dite
« MÉDAILLE DE LA VICTOIRE »

 

 

- 20 juillet 1922 -

 

 

 

 

HISTORIQUE & MODALITÉS D’ATTRIBUTION

 

 

L’idée de créer, pour la guerre 1914-1918, une « médaille internationale de la guerre », revient officiellement au député Maurice Bouilloux-Lafont qui présenta à la Chambre des députés, une proposition de loi restée sans suite.
Après l’armistice, la conférence de la paix, réunissant les chefs d’état de toutes les nations alliées victorieuses de la grande guerre, accepta le 24 janvier 1919, la proposition faite par le maréchal Ferdinand Foch, visant à instituer une médaille commémorative unique devant être attribuée à tous les combattants alliés.

Il fut décidé, par le Conseil supérieur des Alliés, que sa réalisation serait laissée aux soins de chaque pays, ceux-ci devant respecter des caractéristiques communes, à savoir : un ruban identique suspendant un insigne en bronze de 36 mm devant représenter le symbole de la victoire et l’inscription « Grande guerre pour la Civilisation » dans la langue de chacune des nations qui fabriqueront cette médaille ( Afrique du Sud, Belgique, Brésil, Cuba, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Grèce, Italie, Japon, Pologne, Portugal, Roumanie, Siam et Tchécoslovaquie ).

C’est par la loi du 20 juillet 1922, que la France créait sa Médaille de la Victoire, dont le modèle fut choisi lors d’un concours organisé entre des artistes français anciens combattants.
Le droit au port de cette décoration se justifie par la possession d’un document administratif attestant de la participation aux opérations de ce conflit.
Les demandes pour attribution se font auprès du bureau des décorations au ministère de la Défense.

 

 

 

BÉNÉFICIAIRES

 

 

La Médaille de la Victoire est attribuée sans condition de délai de séjour pour :

  – les militaires, les infirmières et infirmiers civils qui ont reçu la Croix de Guerre 1914-1918 ou qui ont été évacués pour blessure de guerre, ainsi que ceux ou celles qui, ayant fait partie des unités énumérées dans l’instruction ministérielle du 7 octobre 1922, ont été évacués pour maladie contractée ou blessure reçue en service ;

  – les engagés volontaires dits « spéciaux », qui, ayant servi dans la zone des armées, ont été réformés pour blessure reçue en service ;

  – les jeunes gens de la classe 1919 et à ceux marchant avec cette classe qui ont été envoyés en renfort, avant l’armistice, dans des unités énumérées dans l’instruction ministérielle du 7 octobre 1922 ;

  – les militaires prisonniers de guerre ( sauf opposition motivée de l’autorité militaire ) ;

  – les Alsaciens et les Lorrains engagés volontaires, qui ont appartenu pendant une durée quelconque à une unité combattante, et à ceux qui justifient avoir déserté les rangs allemands, même s’ils n’ont pas été, après leur engagement, affectés à une unité combattante ;

  – les militaires, les infirmières et infirmiers civils qui ont été tués à l’ennemi ou qui sont morts des suites de blessure de guerre, ainsi que ceux ou celles qui, ayant fait partie des unités énumérées dans l’instruction ministérielle du 7 octobre 1922, sont morts de maladie contractée ou blessure reçue en service.

 

Sous réserve de 3 mois de présence, consécutifs ou non, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918, pour :

  – tous les militaires, ayant appartenu à l’un des services énumérés dans l’instruction ministérielle du 7 octobre 1922 et ayant servi dans la zone des théâtres du Nord et du Nord-Est ou dans la zone d’opérations des théâtres extérieurs ;

  – les infirmières et infirmiers civils ayant servi dans une des unités énumérées dans l’instruction du 11 décembre 1922, seulement pour les périodes durant lesquelles ces formations ont pu s’acquérir des titres à la médaille ;

  – les étrangers, militaires et civils, qui n’ont pas acquis de droit à la médaille dans leur pays d’origine, mais ayant servi directement sous les ordres du commandement français, dans les unités et formations énumérées dans l’instruction ministérielle du 7 octobre 1922 et sous les mêmes conditions que les militaires français, peuvent recevoir cette médaille sous réserve de l’approbation de leur gouvernement ;

  – les maréchaux et les officiers généraux ayant commandé, pendant trois mois au moins, une unité même supérieure au corps d’armée.

Remarque : le temps passé dans les lignes ennemies, par le personnel militaire du service de santé tombé aux mains de l’ennemi en assurant ses fonctions près des blessés, compte dans le délai de trois mois exigé.

Sous une condition de 18 mois de présence, consécutifs ou non, entre les 2 août 1914 et 11 novembre 1918, dans la zone des théâtres du Nord et du Nord-Est ou dans la zone d’opérations des théâtres extérieurs ( Orient, Russie, Palestine, Cameroun, etc.) pour :

  – les militaires relevant du commandement des armées ou des T.O.E., ainsi que les agents mobilisés des portions actives et des subdivisions complémentaires territoriales des chemins de fer de campagne et le personnel militarisé du service de la télégraphie militaire de deuxième ligne ;

  – les militaires qui ont relevé du commandement des régions situées dans la zone des armées du Nord et du Nord-Est et seulement pour les périodes durant lesquelles ces régions ont appartenu aux dites zones ;

  – les infirmiers et infirmières civils ayant servi dans les mêmes conditions que les militaires visés précédemment ;

  – les étrangers, militaires et civils, qui n’ont pas acquis de droit à la médaille dans leur pays d’origine, mais ayant servi directement sous les ordres du commandement français, dans les conditions prévues pour les militaires français, peuvent recevoir cette médaille sous réserve de l’approbation de leur gouvernement.

 

 

 

CARACTÉRISTIQUES

 

 

RUBAN

 

 

Largeur de 36 mm.
Aux couleurs de deux arcs-en-ciel ( symbolisant les temps nouveaux ) juxtaposés au centre par le rouge.

 

 

INSIGNE

 

 

Médaille ronde en bronze, du module de 35 mm.
Gravure de Pierre, Alexandre Morlon.

Sur l’avers    : l’effigie d’une victoire ailée, en pied et de face, tenant en main droite un
                      rameau d’olivier et en main gauche une couronne de laurier.

Sur le revers : les initiales  R.F. encadrent un bonnet phrygien surmontant l’inscription
                      LA  GRANDE  GVERRE  POVR  LA  CIVILISATION  1914 - 1918.

Il est possible de trouver trois autres modèles, non officiels, présentant un style différent pour la représentation de la victoire ailée et de l’inscription du revers : un est de Dubois ; un autre est signé Charles ; le dernier étant de Marcel Pautot pour l’avers et Louis, Octave Matteï pour le revers.

 

 

 


 

 

 

DÉBATS PARLEMENTAIRES

( Liste non exhaustive )

Source :
Bibliothèque nationale de France

 

 

RAPPORT fait au nom de la commission de l'armée chargée d'examiner :
1° le projet de loi tendant à instituer une médaille commémorative interalliée de la guerre, dite : « médaille de la victoire » ;
2° la proposition de loi de M. Léon Pasqual et plusieurs de ses collègues,
ayant pour objet d'accorder aux anciens prisonniers de guerre la médaille interalliée, dite : « médaille de la victoire »,
quelle que soit la durée de leur présence sous les drapeaux, par M. Paul de Cassagnac, député

J.O. du 7 mars 1920 - Page 3766

 

 

Chambre des députés — 12e législature. — Session ordinaire de 1920.

Messieurs, le Gouvernement, reprenant un texte déjà déposé dans la précédente législature et qui n'avait pas été examiné par le Parlement, a déposé un projet de loi tendant à instituer une médaille commémorative interalliée de la guerre, dite médaille de la victoire. Les considérations développées dans l'exposé des motifs de ces deux projets ont acquis une valeur d'autant plus grande que les gouvernements des nations alliées ont, pour la plupart, réglementé le port de cette médaille et qu'un décret du Président de la République française en date du 29 octobre 1919, autorise les bénéficiaires de cette future médaille à en porter le ruban, en attendant sa création et la distribution des insignes et des brevets.
La médaille de la victoire est destinée aux combattants des différentes nations. Un projet de loi tendant à instituer une médaille commémorative française de la grande guerre qui serait attribuée indistinctement à tous les mobilisés, est actuellement en instance devant le Parlement. La commission de l'armée avait d'abord envisagé l'éventualité de réunir ces deux projets en un seul et d'étendre l'attribution de la médaille de la victoire à tous les mobilisés. L'accord passé entre les gouvernements alliés et associés sur le principe de la création de cette médaille, aussi bien que le décret du Président de la République française en date du 29 octobre 1919, ne permettent plus cette solution. Les conditions d'attribution de la médaille de la victoire ont été nettement tracées. Une instruction en date du 2 novembre 1919 précise l'application du décret du 29 octobre 1919 et énumère les unités et les formations considérées comme unités combattantes, auxquelles il est nécessaire d'avoir appartenu, dans des conditions déterminées, pour avoir droit au port du ruban de la médaille de la victoire. ( B.O. du 24 novembre 1919. )
Il semble donc qu'il n'y ait plus d'autre solution que d'accepter et de consacrer les textes déjà arrêtés, en les modifiant seulement sur certains points, afin de réparer leurs omissions. L'instruction du 2 novembre 1919 relative à l'application du décret du 29 octobre exclut du droit au port de la médaille de la victoire, les maréchaux de France et les généraux ayant commandé des groupes d'armées, des armées ou des corps d'armée. De même elle en exclut les militaires ayant moins de trois mois de présence dans une unité combattante, et cependant titulaires d'une citation. Pour des raisons de toute évidence, ces oublis doivent être réparés.
Par contre, il ne semble pas qu'il y ait lieu de réduire en faveur des prisonniers la durée de présence exigée de tous les combattants pour le port de la médaille de la victoire et qui a été fixée à trois mois. Ceux des prisonniers qui n'auront pas droit à la médaille de la victoire auront droit à la médaille commémorative française de la grande guerre.
Dans ces conditions, liée par une œuvre déjà partiellement réalisée en fait, la commission de l'armée ne peut que soumettre à vos délibérations le projet de loi ci-après :

PROJET DE LOI

Art. 1er. — Il est créé une médaille commémorative interalliée, dite médaille de la victoire.

Art. 2. — Cette médaille sera accordée :
1° A tous militaires ou marins ayant fait partie pendant trois mois au moins des unités réputées combattantes, énumérées par le décret du 18 août 1917, rendu par application de la loi du 17 août 1917 ou à des unités territoriales correspondantes, déterminées par le décret du 29 octobre 1919 ;
2° A tous les marins avant servi au moins trois mois dans une des unités énumérées par le décret du 24 janvier 1918.

Art. 3. — Le délai minimum de trois mois n'est pas exigé dans le cas où l'intéressé a été évacué des fronts susvisés pour blessure ou maladie, ou bien possède un certificat d'origine de blessure de guerre, ou bien a été l'objet d'une citation.
La même médaille sera remise à titre de souvenir aux familles des militaires ou marins décédés, ayant appartenu aux formations ci-dessus.

Art. 4. — Auront également droit à la médaille de la victoire, les officiers généraux ayant commandé pendant trois mois au moins une unité égale ou supérieure au corps d'armée ; les dispositions de l'article 3 leur sont applicables.

Art. 5. — La médaille sera exécutée par voie de concours entre des artistes français et, d'après le programme ci-après, qui a été arrêté de façon que les différentes médailles, exécutées par chaque nation alliée ou associée, soient d'un aspect aussi identique que possible :
1° La médaille sera en bronze, ronde et du module de 36 millimètres ; sa couleur, sa patine, son épaisseur, ainsi que sa bélière, seront semblables à celles de la médaille commémorative de 1870 ;
2° L'avers représentera une Victoire ailée, en pied, debout au milieu de la médaille et de face ; le fond et les bords seront unis, sans aucune inscription, ni date ; la tranche sera également unie ;
3° Le revers portera l'inscription : « La grande guerre pour la civilisation », traduite dans les différentes langues et l'indication des noms des différentes nations alliées ou associées.

Art. 6. — Le ruban, identique pour tous les pays, figurera deux arcs-en-ciel juxtaposés par le rouge, avec, sur chaque bord, un filet blanc.

Art. 7. — Le brevet et l'insigne seront délivrés gratuitement aux ayants droit.

Art. 8. — N'auront pas droit au port de la médaille et ne recevront pas le brevet, les militaires qui en auront été reconnus indignes, à la suite de condamnations sans sursis au cours de la campagne, pour faits qualifiés de crimes par le code de justice militaire.

Art. 9. — Il est ouvert au ministre de la guerre, en addition aux crédits provisoires alloués au titre de l'exercice 1919, pour les dépenses militaires et les dépenses exceptionnelles des services civils, un crédit de 100,000 fr. qui sera inscrit à un chapitre nouveau du budget de la première section de son ministère, portant le n° 40 ter et intitulé : « Médailles commémoratives française et interalliée de la grande guerre ».

 

 

 


 

 

 

AVIS présenté au nom de la commission des finances sur :
1° le projet de loi tendant à instituer une médaille commémorative interalliée de la guerre, dite « Médaille de la victoire » ;
2° la proposition de résolution de M. Léon Pasqual et plusieurs de ses collègues
ayant pour objet d'accorder aux anciens prisonniers de guerre la médaille interalliée dite « Médaille de la victoire »,
quelle que soit la durée de leur présence sous les drapeaux, par M. Henry Paté, député

J.O. du 16 mars 1920 - Page 4358

 

 

Chambre des députés — 12e législature. — Session ordinaire de 1920.
Dépôt exceptionnel de rapports. ( Art. 33 du règlement de la Chambre. )

Messieurs, le Gouvernement, reprenant un texte déjà déposé dans la précédente législature, a déposé un projet de loi tendant à instituer une médaille commémorative interalliée de la guerre, dite « Médaille de la victoire ».
La commission de l'armée vous propose d'adopter le texte du Gouvernement, complété pour réparer certaines omissions. Il n'est d'abord pas possible à votre commission des finances de donner son adhésion sans modifications au texte proposé, qui ouvre un crédit au titre de l'exercice 1919, alors qu'aucune dépense ne peut plus être engagée au titre de cet exercice. Ce texte n'ouvre d'ailleurs aucun crédit au ministre de la marine qui aurait certainement des dépenses à faire du chef de son adoption. Mais votre commission des finances a des objections beaucoup plus graves à faire au projet qui vous est proposé.
L'article 7 de ce projet porte que le brevet et l'insigne seront délivrés gratuitement, et l'article 9 ouvre un modeste crédit de 100,000 fr. Evaluons quelle sera la dépense. D'après le rapport présenté par notre collègue, M. de Cassagnac, au nom de la commission de l'armée, la médaille interalliée serait accordée :
1° A tous les militaires et marins ayant fait partie, pendant trois mois au moins, des unités réputées combattantes ou des unités territoriales correspondantes ;
2° A tous les marins ayant servi au moins trois mois dans une des unités énumérées par le décret du 24 janvier 1918 ;
3° Aux militaires et marins des catégories ci-dessus, sous la condition du délai minimum de trois mois, qui ont été évacués des fronts susvisés pour blessure ou maladie, ou qui possèdent un certificat d'origine de blessure de guerre, ou qui ont été l'objet d'une citation ;
4° Aux familles des militaires ou marins décédés, ayant appartenu aux formations ci-dessus ;
5° Aux officiers généraux ayant commandé pendant trois mois au moins une unité égale ou supérieure au corps d'armée, ou, condition de délai, s'ils se sont trouvés dans un des cas visés au paragraphe 3 ci-dessus.
Le nombre probable des bénéficiaires est évalué à : 6.000.000 pour la guerre, 170.000 pour la marine. Total. 6.170.000. La dépense par bénéficiaire est évaluée : 3 fr. pour l'insigne, 0,50 pour le brevet. soit 3,50 au total. Pour 6,170,000 de bénéficiaires, la dépense ressort ainsi à 21,595,000 fr.
D'autre part, dans un autre projet également soumis à vos délibérations, le Gouvernement nous propose de créer une médaille commémorative française de la guerre, pour laquelle le prix de l'insigne est le même et pour laquelle le nombre bénéficiaires est évalué à 8,450,000 pour la guerre, à 220,000 pour la marine, soit au total 8,670,000, ce qui correspond à une dépense annuelle de 30,345,000 fr. Des renseignements que nous nous sommes procurés, il résulte :
1° Que le prix de 3 fr. pour l'insigne en le supposant livré par l'administration de la Monnaie, est un minimum ;
2° Que si l'administration de la Monnaie a le monopole de la fabrication, elle ne pourra vraisemblablement pas faire plus de 600,000 médailles par an.
Le chiffre des bénéficiaires indiqués ci-dessus est de 15 millions en nombres ronds. On voit qu'il faudrait vingt-cinq ans à l'administration de la Monnaie pour réaliser la fabrication. Il faudra donc nécessairement s'adresser à l'industrie privée. Or, nul ne peut dire quelle répercussion aura sur le marché relativement étroit des fabrications de médailles la commande de 15 millions de médailles jetée d'un seul coup sur le marché. Nous croyons être très modérés en évaluant la hausse qui en résultera à 50 p. 100 et en pensant que l'insigne reviendra à 4 fr. 50 ; avec le prix du brevet, qui est de 50 centimes, la dépense serait donc de 5 fr. par bénéficiaire. Pour 15 millions de bénéficiaires, la dépense serait de 75 millions. A ces dépenses il faudrait ajouter, en ce qui concerne la guerre seule, les frais accessoires suivants :

 

 

MÉDAILLE

Interalliée

Française

Caisses pour envoi des brevets et médailles...........

450.000

600.000

Main-d'œuvre civile pour la confection des brevets,
en admettant que l'on emploie à ce travail moitié personnel civil et moitié personnel militaire............



900.000



1.000.000

Total....................................................................

1.350.000

1.600.000

Total général........................................................

2.950.000

 

soit en tenant compte de la marine 3 millions. Mais d'autre part nous estimons que la nation ne donne pas ses fils pour calligraphier des brevets, et que, si ce travail est fait, il doit être uniquement confié à la main-d'œuvre civile. La dépense accessoire serait augmentée de ce chef de 1,950,000 fr. et portée à 4 millions 950,000 fr. soit en chiffres ronds 5 millions. C'est donc une dépense de 80 millions au moins qu'il faut envisager pour l'exécution des deux projets de loi soumis à vos délibérations. Nous estimons que ce chiffre est un minimum car c'est tout un service qu'il faudra monter pour l'achat, la réception, l'envoi aux intéressés des insignes. Avec les habitudes de l'administration, nous pouvons craindre que dans ce service les dépenses parasites ne se multiplient ; des retards se produiront du fait que les fabricants, obligés de s'outiller pour un travail aussi important ne pourront livrer de suite les 15 millions de médailles ; du personnel administratif restera inoccupé, et nous pouvons craindre de voir pendant de longues années dans nos budgets des crédits pour le service de la médaille interalliée et de la médaille commémorative française.
Ajoutons que, dans l'évaluation ci-dessus, nous n'avons tenu aucun compte des frais d'envoi aux intéressés. En outre, nous sommes certains à l'avance que le service sera centralisé à Paris et nous pouvons nous rendre compte du temps qui sera employé par de nombreuses autorités militaires pour transmettre les insignes avec tout un luxe de bordereaux d'accusés de réception que nous connaissons trop. Pour toutes ces raisons l'évaluation de 80 millions est un grand minimum; nous serions probablement plus près de la vérité en envisageant une dépense de 85 millions.
Mis en présence de l'énormité de cette dépense, la commission des finances n'a pu, dans les circonstances actuelles, l'accepter. Au moment où nous avons le devoir de restaurer les finances publiques, de restreindre nos dépenses, et alors que nous ne pouvons donner aux veuves et aux mutilés de la guerre tout ce que notre cœur nous commanderait de leur donner, il ne nous est pas possible de consentir une dépense de 80 millions pour des insignes, quelque mérités qu'ils soient, et pour monter un vaste service qui, quoique nous fassions, fonctionnera coûteusement et sans rendement. On aurait pu songer à délivrer seulement le diplôme aux intéressés, qui seraient restés libres de se procurer les insignes à leurs frais. C'est d'ailleurs la solution qui a été adoptée en 1911 pour la médaille commémorative de la guerre de 1870. La loi du 9 novembre 1911, qui a créé cette médaille, porte un article ainsi conçu : « Le brevet de cette médaille sera délivré gratuitement aux ayants droit qui devront se procurer l'insigne à leurs frais. »
Même transformés de cette façon, les deux projets de loi portant création de médailles commémoratives entraîneraient des dépenses importantes. Celles-ci peuvent être évaluées comme suit pour l'ensemble des deux médailles :
Fourniture des brevets, 15,000,000 à 50 centimes soit 7.500.000, Frais d'envoi 500.000, Main-d'œuvre civile pour confection des brevets environ 3.000.000, Total. 11.000.000. Cette somme se répartissant environ comme suit : Médaille de la victoire interalliée, 4 millions 400,000 fr. Médaille commémorative française, 6 millions 600,000 fr.
La dépense reste trop importante pour que votre commission des finances vous propose de l'accepter. En dehors même de cette considération, elle estime que ce n'est pas l'heure de créer une nouvelle armée de scribes et de calligraphes pour confectionner, emballer et transmettre avec tout le formalisme administratif, 15 millions de diplômes. Les titulaires des deux médailles dont la création vous est proposée seront les premiers à se ranger à notre avis et à vouloir ainsi contribuer pour leur part à la restauration de nos finances publiques et de notre activité économique. Ce qu'ils veulent, c'est avoir l'autorisation de porter un insigne qu'ils pourront laisser à leurs enfants, rappelant qu'ils ont pris part à la lutte gigantesque et victorieuse du droit contre la force. Ce qu'il faut empêcher, c'est que l'insigne soit porté par ceux qui n'auront pas pris part à la lutte. La commission des finances estime que ce double but sera atteint, d'une part en créant la médaille et définissant le droit de la porter, d'autre part en publiant au Journal officiel les listes des bénéficiaires. Il appartiendra aux intéressés de se procurer à leurs frais l'insigne et le numéro du Journal officiel attestant leur droit. Ainsi seront évités et les frais et les complications administratives que nous avons indiqués plus haut. Mais comme malgré toute diligence qui pourra être faite, les insertions au Journal officiel demanderont un certain temps, la commission des finances invite le Gouvernement à rechercher un système qui permette aux intéressés de faire constater leur droit et de porter le ruban de suite ; ce pourrait être par exemple une mention apposée par la gendarmerie sur le livret individuel. Il ne faut pas, d'ailleurs, se dissimuler que, même ainsi réduite, l'application des projets de loi portant création de médailles entraînera des dépenses. Il faudra, en effet, que les dépôts des corps de troupes examinent les titres des candidats en vue de l'insertion des noms au Journal officiel. Ce sera encore pour eux une occasion de conserver un grand nombre de secrétaires civils ou militaires, dont le nombre n'a d'égal que le peu de rendement. Cette dépense ne peut être chiffrée, elle ne sera certainement pas négligeable.
En conséquence, la commission des finances estime qu'il y a lieu de modifier comme suit le texte qui vous est proposé par la commission de l'armée.
1° Remplacer l'article 7 par le texte suivant :
« Art. 7. — La liste des ayants droit à la médaille créée par la présente loi sera insérée au Journal officiel ; cette insertion tiendra lieu de diplôme et donnera aux intéressés le droit de porter l'insigne qu'ils devront se procurer à leurs frais. »
2° Supprimer l'article 9.

 

 

 


 

 

 

CHAMBRE DES DÉPUTÉS – Séance du mardi 16 mars 1920
Discussion d'un projet et d'une proposition de loi tendant à la création d'une médaille interalliée dite « Médaille de la Victoire »

J.O. du 17 mars 1920 - Débats parlementaires - Chambre des députés - Page 586

 

 

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion : 1° du projet de loi tendant à instituer une médaille commémorative interalliée de la guerre, dite Médaille de la Victoire ; 2° de la proposition de résolution de M. Léon Pasqual et plusieurs de ses collègues, ayant pour objet d'accorder aux anciens prisonniers de guerre la médaille interalliée dite médaille de la Victoire, quelle que soit la durée de leur présence sous les drapeaux.
La parole est à M. Vandame dans la discussion générale.

M. le lieutenant-colonel Vandame. Je ne pourrai pas voter le projet de loi dont il est question, tel qu'il vous est présenté. Il s'agit, en effet, non pas d'une médaille commémorative que chaque nation institue chez elle et distribue à son gré, mais d'une médaille interalliée. Il s'agit, ai-je entendu dire, de créer un lien, un souvenir durable, matériel entre les alliés qui ont combattu ensemble sur le même terrain et quelquefois dans des formations très rapprochées les unes des autres. Dans quelques années, l'âge intervenant, on pourra se reconnaître ; on a le souvenir d'un visage déjà vu : « Où nous sommes-nous rencontrés ? — C'est sur le champ de bataille. — Comment vous appelez-vous ? » On retrouve la médaille interalliée à la boutonnière, c'est un lien qui rapproche et on cause. La médaille interalliée doit être donnée aux alliés et non pas seulement à une des nations combattantes. Cela est si vrai que ce ruban aux couleurs de l'arc-en-ciel, je l'ai déjà aperçu sur la poitrine de nombreux Anglais, Belges et Américains. J'ai remarqué qu'il n'y a aucune uniformité dans la distribution de ce ruban aux Serbes, Belges, aux autres alliés et à nous-mêmes.
Il aurait été préférable de s'y prendre d'autre façon. Le général en chef commandant toutes les formations alliées aurait dû prescrire les conditions de distribution de ce ruban aux divers alliés.
Mais un point me tient particulièrement à cœur, c'est la façon dont sont traités nos prisonniers. Dans les autres nations, les prisonniers ont droit au ruban interallié. Chez nous, il existe toujours un esprit péjoratif à l'égard des nôtres ; on dit facilement que les prisonniers n'ont pas droit à une décoration parce qu'ils n'ont pas combattu assez longtemps.
Beaucoup de mes compatriotes ont servi à Maubeuge en particulier...

M. le colonel Girod. Nous avons déposé un amendement sur ce point, mon cher collègue.

M. le lieutenant-colonel Vandame. Je vous donne ma pensée ; je suis très heureux si je me rencontre avec la vôtre.
Un très grand nombre de mes compatriotes, de Lille, en particulier, ont alimenté les régiments territoriaux qui ont été faits prisonniers à Maubeuge après des bombardements intensifs. Un conseil de guerre décidera prochainement si l'autorité militaire supérieure a eu raison de consentir à la reddition de la place dans les conditions que vous savez, mais la responsabilité n'en incombe nullement aux soldats qui ont fait leur devoir.
Et je me demande, dans ces conditions, pourquoi mes compatriotes, qui sont les vôtres aussi, seraient privés de la satisfaction de porter le ruban interallié, parce qu'ils ont gémi pendant quatre ans dans les geôles allemandes.
Sur le champ de bataille, il se produit quelquefois une avance sérieuse de l'ennemi, qui oblige à un mouvement de repli.
Celui qui bat en retraite assez vite n'est pas fait prisonnier. Mais des corps de troupe prolongent la résistance, et certains des hommes les composant sont tués, d'autres blessés, d'autres, enfin, capturés. Pour avoir combattu plus longtemps, ceux-là, parce que faits prisonniers, ne porteront pas le ruban interallié ?
Si vous maintenez une clause aussi restrictive dans la loi, je le regrette et je ne pourrai pas la voter. ( Applaudissements à droite et sur divers bancs. )

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
Je consulte la Chambre, sur le passage à la discussion des articles.
( Le passage à la discussion des articles est ordonné. )

M. le président. « Art. 1er. — Il est créé une médaille dite médaille commémorative française de la grande guerre. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
( L'article 1er, mis aux voix, est adopté. )

M. le président. « Art. 2. — Cette médaille sera accordée :
1° A tous militaires ou marins ayant fait partie pendant trois mois au moins des unités réputées combattantes, énumérées par le décret du 18 août 1917, rendu par application de la loi du 17 août 1917 ou à des unités territoriales correspondantes, déterminées par le décret du 29 octobre 1919 ;
2° A tous les marins avant servi au moins trois mois dans une des unités énumérées par le décret du 24 janvier 1918. »
Il y a, sur cet article, un amendement, présenté par MM. Mourier et Emile Vincent, et ainsi conçu :
« Ajouter à la fin de l'alinéa 1° la disposition suivante :
« ...Et au personnel du service de santé ayant servi trois mois au moins dans les groupements d'ambulance de corps d'armée et d'armée. »
La parole est à M. Mourier.

M. Mourier. La Chambre me permettra de lui signaler que le vote de l'article 2 du projet en délibération équivaudrait à priver tout le personnel des ambulances de l'honneur de porter la médaille de la victoire.
Aux termes du décret du 18 août 1917, en effet, les groupes de brancardiers sont seuls réputés « unités combattantes ».
Il serait trop injuste de priver ceux qui ont appartenu aux ambulances, quelles qu'elles soient, divisionnaires, de corps d'armée ou d'armée, du bénéfice de la loi que vous allez voter.
Je ne vous rappellerai pas le rôle des ambulances. Vous savez tous qu'elles ont fonctionné, surtout pendant les batailles de 1918, dans des conditions particulièrement difficiles, souvent, sous le bombardement des avions ennemis, quelquefois sous les obus de l'artillerie lourde ennemie de moyenne portée. ( Interruptions. )
Les ambulances d'armées ont toutes été interchangeables pendant toute la bataille de 1918 ; elles formaient une réserve sanitaire que le commandement répartissait sur tout le front suivant les nécessités du service.
J'ajoute qu'à certaines heures, et notamment le 27 mai, au Chemin des Dames, il y avait des ambulances d'armées dont le personnel a montré un courage et une endurance qui confinaient à l'héroïsme. ( Très bien ! très bien ! )
Je trouve une autre raison pour l'adoption de mon amendement dans les résultats techniques obtenus par le service de santé au cours de la guerre. N'oubliez pas que, peuple de faible natalité, nous avons fait la guerre avec nos malades et nos blessés. Certains de nos soldats voyaient le front pour la cinquième ou la sixième fois, après cinq ou six évacuations pour blessures, alors que de l'autre côté, chez nos ennemis, rares étaient les hommes qui combattaient après avoir été blessés une ou deux fois.
J'ajoute que la chirurgie française a réalisé ce tour de force de guérir en quelques jours des blessures qui, en d'autres temps et en d'autres lieux, notamment de l'autre côté du Rhin, demandaient des mois pour guérir ou ne guérissaient pas du tout.
Du 15 mars au 11 novembre 1918, 550,000 blessés ont été évacués de la zone des armées vers l'intérieur ; sur ce nombre, 55 p. 100 ont regagné le front dans un laps de temps qui n'a pas dépassé cinq ou six semaines. Cette récupération rapide de nos combattants vous montre la part qui revient au service de santé dans les lauriers de la victoire et la nécessité de lui permettre de les commémorer par le port de la médaille interalliée.
Je fais appel à votre esprit de justice et je vous demande de voter mon Amendement. ( Vifs applaudissements. )

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Paul de Cassagnac, rapporteur. Il y a, dans cette question, une double confusion. D'abord, la Chambre décide simplement, si elle vote le texte qui lui est proposé, que la médaille interalliée est réservée aux combattants et que la discrimination des combattants n'est pas faite par la Chambre, mais par le ministre, en vertu d'un arrêté ministériel.
En second lieu, une instruction ministérielle, parue au Bulletin officiel du 24 novembre 1914, contient un tableau, dit « tableau 2 », qui comprend la liste des unités non comprises parmi celles réputées combattantes au regard de la loi du 19 août 1917 auxquelles il convient de réserver l'attribution de la médaille dite de la Victoire et que, au titre IV : « Service de santé », vous trouvez énumérés comme bénéficiaires de la médaille interalliée les groupes de brancardiers divisionnaires, les groupes de brancardiers de corps, les ambulanciers et les services d'hospitalisation divisionnaires et de corps d'armée. Il me semble donc que vous avez entière satisfaction. ( Très bien ! très bien ! )

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Mourier ?

M. Mourier. Si les déclarations qui viennent d'être faites sont approuvées par le Gouvernement, je le retire.

M. le rapporteur. La commission le repousse.

M. Mourier. Précisons. Je demande à M. le ministre de la guerre si, dans son esprit, le personnel du service de santé, appartenant aux ambulances divisionnaires des corps d'armée et d'armée... ( Interruptions. )
Permettez-moi de vous dire que je parle de choses que je connais et d'événements dont j'ai été le témoin.

M. Taittinger. Nous les connaissons aussi bien que vous, monsieur Mourier, nous les avons vus de plus près.

M. Mourier. Je fais remarquer à la Chambre que, pendant toute la bataille de 1918, les ambulances étaient interchangeables, qu'elles fussent de division, de corps d'armée ou d'armée.
Elles étaient réparties sur les diverses parties du front, suivant les besoins et les nécessités du service.

M. le prince Joachim Murat. C'est le cas de tous les services.

M. Mourier. Je ne comprends pas les protestations de certains de mes collègues ; je n'ai pas l'habitude d'abuser de la parole et je demande qu'on veuille bien me permettre de continuer.
Je ne dis rien qui puisse soulever 1es passions. Je fais observer à la Chambre que le 28 mai 1918, au Mont-Notre-Dame, le personnel sanitaire fut pendant un jour et une nuit...
Un membre à droite. La guerre a duré cinq ans !

M. Mourier. ... exposé au bombardement de l'ennemi et ensuite capturé. Pensez-vous que les gens qui étaient là, assurant non seulement les soins aux grands blessés, mais l'évacuation des hommes pouvant marcher, ne faisaient pas acte de combattants ? ( Applaudissements. )
J'insiste donc auprès M. le ministre de la guerre pour qu'il réponde à cette question : le personnel des ambulances divisionnaires d'armée et de corps d'armée, recevra-t-il la médaille interalliée ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. le rapporteur. C'est à M. le ministre de la guerre qu'il appartient de discriminer les unités combattantes. Cependant, la commission de l'armée a un vœu à exprimer. On ne doit pas perdre de vue que la médaille de la victoire est réservée aux combattants, qu'elle n'est pas, comme la médaille commémorative, un insigne destiné à être décerné très largement. Il importe de rendre un témoignage particulier aux combattants qui n'ont pas eu la chance d'obtenir une citation, qui ont vécu dans les unités combattantes et qui méritent qu'une justice particulière leur soit rendue. ( Applaudissements. )

M. le président. La parole est à M. Mourier.

M. Mourier. Je ne puis pas ne pas protester contre les paroles de M. le rapporteur. Est-ce que, après la guerre, nous continuerons à distinguer dans l'armée deux catégories ? ( Oui ! oui ! à droite et au centre. )
Admettrez-vous qu'il y ait dans l'armée deux classes, celle des combattants qui, à côté de nos glorieux fantassins, de nos admirables artilleurs, comprend, ne l'oubliez pas, les officiers du train, qui commandaient les quartiers généraux et les gendarmes qui faisaient la police à l'arrière ( Interruptions sur les mêmes bancs ), catégorie à laquelle iront toutes les décorations, et l'autre catégorie — la catégorie des parents pauvres — ceux qui, couvert théoriquement par des conventions internationales dont vous connaissez la valeur, se font tuer sans gloire parce qu'ils reçoivent les coups sans avoir le droit de les rendre ( Très bien ! très bien ! ) — à qui on décernera les distinctions au compte-gouttes, avec une décevante parcimonie, comme à regret ? ( Applaudissements. )

M. Jean Fabry. Vous avez raison, ce sont les plus méritants.

M. Mourier. Ces derniers seraient-ils exclus des bénéfices de la loi en discussion ? Ce serait une injustice de la part de la Chambre. J'ai confiance, messieurs, que vous ne la commettrez pas. ( Applaudissements à gauche et à l'extrême gauche. )

M. le prince Joachim Murat. Mais les services automobiles aussi, alors ?

M. le président. La parole est à M. Berthon.

M. André Berthon. La Chambre paraît oublier que M. Mourier, pendant la période la plus difficile de la guerre, a été le chef du service de santé militaire et que, tout de même, il a le droit d'être écouté en silence quand il vient apporter ici des considérations qui sont justes. ( Très bien ! très bien ! )
Si M. Mourier me permet d'ajouter un argument, je dirai que, d'après les statistiques, après l'infanterie, c'est le service de santé qui compte proportionnellement le plus de morts et de blessés.

M. Mourier. Parfaitement !
A droite. Les services de l'avant, oui !

M. le prince Joachim Murat. Les médecins auxiliaires, oui, mais il faut distinguer.

M. André Berthon. Quant à nous, nous voulons que la Chambre prenne ses responsabilités. C'est pourquoi nous avons déposé une demande de scrutin. ( Très bien ! très bien ! à l'extrême gauche. )

M. le président. La parole est à M. Vidal.

M. Gaston Vidal. Je demande la parole, parce que, comme toutes les fois qu'il s'agit d'anciens combattants, une question se pose : définir ce que c'est qu'un combattant.

M. Mourier. Ce sont ceux qui meurent au front, et les médecins y sont morts !

M. Gaston Vidal. J'ai été un combattant et je n'ai pas encore pu trouver de définition. Un humoriste de mes amis a dit : « Le combattant commence où finit le gendarme. » C'est peut-être vrai. En tout cas, je ne prends pas la définition à mon compte. J'ai vu des gendarmes qui se conduisaient admirablement ; j'ai vu dans le service de santé des gens qui se conduisaient admirablement ; j'ai vu, dans toute l'armée française, des gens qui se conduisaient admirablement. Par conséquent, je dénie à qui que ce soit le droit de faire des catégories. ( Très bien ! très bien ! ) Vous n'avez pas à dire : « Le courage commence ici et finit là. » Cela, c'est comme le disait M. le rapporteur une question de discrimination qui incombe à M. le ministre de la guerre.
Cependant, il convient de dire à M. le ministre de la guerre qu'il lui faut, lui et ses bureaux, apporter à cette discrimination beaucoup de tact et de mesure. Il y a des héros dans toute l'armée française et il y a eu des « Jean-foutre » même dans l'infanterie. Vous n'avez pas le droit de dire que l'héroïsme a commencé à tel corps et fini à tel autre : il a commencé et fini partout. Rien, je le répète, ne demande autant de mesure, rien ne demande autant de tact qu'une telle question. Pour la trancher, fiez-vous au ministre et à ses moyens d'information. ( Applaudissements. )

M. le président. La parole est à M. Blaisot.

M. Camille Blaisot. Après les paroles de M. Vidal, je voudrais situer exactement la question, car, assurément, il n'a jamais été dans l'esprit de personne de refuser au service de santé l'hommage auquel il a droit.

M. Gaston Vidal. Allons donc !

M. Camille Blaisot. La loi Mourier, loi du 10 août 1917, a institué la classification des combattants. Il est évident que si l'on prend strictement le mot « combattants », le service de santé, ne combattant pas, n'y peut être compris. Mais, dans l'interprétation qui a toujours été faite de la loi, le service de santé a été assimilé aux combattants, à condition qu'il s'agisse de personnels sanitaires appartenant à des corps de troupe ou à des divisions.
Je m'appuie ici sur les textes. Lorsque la loi du 10 août 1917 a été votée, on n'a pas pu, puisque l'on faisait une loi de récupération des combattants, y viser les médecins, qui sont, par définition, des non-combattants. On a tout de même donné une petite entorse à la loi en inscrivant les brancardiers divisionnaires dans le décret d'application.
Lorsque nous avons eu le souci de favoriser les combattants par la prime de démobilisation, nous avons décidé que tout combattant ou non-combattant, service de santé ou troupe de ligne, qui faisait partie d'une grande unité combattante, division, corps d'armée, devait être considéré comme combattant, parce que faisant partie d'une unité combattante. A l'heure actuelle, les mobilisés du service de santé qui faisaient partie d'une division ou d'un corps d'armée, touchent la prime mensuelle de démobilisation de 20 fr. par mois attribuée aux combattants.
Par conséquent, il ne faut pas sembler dire qu'on a laissé de côté le service de santé, en le regardant avec une certaine suspicion. Mais l'amendement présenté par M. Mourier me paraît trop large lorsqu'il demande que l'on étende au personnel des ambulances d'armée l'assimilation avec les combattants, pour le droit à la médaille interalliée.
Pour les ambulances de division et même de corps d'armée, passe encore ; mais pour les formations sanitaires d'armée, c'est trop.

M. Mourier. En 1918, il n'y en avait plus.

M. Camille Blaisot. Nous avons décidé précisément, pour l'attribution de l'indemnité de démobilisation, que les services des états-majors d'armée n'étaient, en principe, pas combattants, et l'on n'a accordé la prime mensuelle de 20 fr. qu'à certaines unités territoriales nettement spécifiées comme unités combattantes d'armée. Au point de vue de cette indemnité de démobilisation, on a institué un critérium très large. Mais jamais le service de santé d'armée, pas plus que les gendarmes de prévôté d'armée, les secrétaires d'état-major d'armée et autres services d'armée, n'ont été admis à l'honneur d'être confondus avec les vrais combattants : innover aujourd'hui ne serait pas heureux. ( Applaudissements au centre et à droite. )

M. le rapporteur. La commission demande à la Chambre de ne pas accepter l'amendement de M. Mourier, pour cette raison qu'il y a confusion. Il n'appartient pas à la Chambre, mais au ministre, de déclarer que les groupes de brancardiers d'armée sont des unités combattantes.

M. le président. La parole est à M. Hermabessière.

M. Hermabessière. Je crois que tout le monde est d'accord. ( Mouvements divers. )
Il s'agit tout simplement d'exclure du corps des combattants les ambulances d'armée.

M. Mourier. Il n'y en avait plus.

M. Hermabessière. Or, les ambulances qui, au début de la guerre, étaient équipées en ambulances d'armée, sont certainement devenues toutes, automatiquement, ambulances de division, de corps d'armée.

M. le président. Personne ne demande plus la parole sur l'amendement de M. Mourier ?...
Je le mets aux voix.
I1 y a une demande de scrutin, signée de MM. Mourier, Delory, Valière, Saint-Venant, Goude, Dormoy, Bracke, François Lefebvre, Ringuier, Nicod, Léon Blum, Alexandre Blanc, Vaillant-Couturier, Piton, Inghels, Pressemane, Laudier, Lebas, Chaussy, Berthon, etc.
Le scrutin est ouvert.
( Les votes sont recueillis — MM. les secrétaires en font le dépouillement. )

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin :
Nombre des votants.....57?
Majorité absolue.....2?
Pour l'adoption.....366
Contre.....208
La Chambre des députés a adopté.
S'il n'y a pas d'opposition, l'alinéa 1° de l'article 2, avec l'addition de M. Mourier est adopté. ( Assentiment. )
Le 2° est ainsi conçu : « A tous les marins ayant servi au moins trois mois dans une des unités énumérées dans le décret du 24 janvier 1918. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le paragraphe 2°.
( Ce paragraphe, mis au voix est adopté. )

M. le président. MM. Léon Pasqual, le colonel Girod, Adolphe Chéron, Maurice Marchais, Henri Coutant, Delesalle, Daniel-Vincent ( Nord ), des Rotours, Ferraris, Jean Ossola, Ricolfi ( Humbert ), Macarez, René Lefebvre ( Nord ), de Kerguézec, Le Troadec, Léon Barbé, Maurice Bosquette, Ternois, Charles Bertrand ( Seine ), Paul Bluysen, Rognon, Saget, Narcisse Boulanger, Lavoinne, Berquet, Accambray, Galli, Poittevin et Charles-Bernard ( Seine ) proposent de compléter comme suit l'article :
« 3° A tous les prisonniers de guerre quelle que soit leur durée de présence dans des unités combattantes ou dans des unités territoriales correspondantes. »
La parole est à M. Pasqual.

M. Pasqual. Messieurs, je n'abuserai pas de votre bienveillante attention, surtout à cette heure tardive. Mais je crois remplir un devoir en vous demandant de ne pas frapper d'une exclusion imméritée tous les prisonniers de guerre de la première heure.
Le 13 février 1919, dans un admirable rapport, fait au nom de la commission des affaires extérieures, notre collègue M. Candace concluait de la façon suivante : « Grâce à l'héroïsme de leurs frères d'armes nos prisonniers ont vu, enfin mettre un terme au long martyre qu'un grand nombre subissait depuis près de quatre années. Malgré les souffrances endurées, jamais un seul jour leur foi dans la victoire ne s'est trouvée ébranlée ; leurs geôliers ont pu leur imposer les plus durs traitements, les pires vexations ; les brutalités multipliées n'ont obtenu d'autres résultats que d'exalter l'héroïsme de nos compatriotes captifs. Aussi la France tient à associer au même titre, dans le triomphe final, ses fiers soldats qui ont délivré son sol souillé depuis 1914 et ses prisonniers qui ont mené en Allemagne une vie de souffrances, de privations et d'abnégation. »
Nous vous demandons de vous inspirer de ces conclusions.
Nous pensons, avec toute l'ancienne commission des affaires extérieures, avec l'ancienne commission de l'armée, avec la commission supérieure des prisonniers de guerre, qu'il est temps d'en finir avec cette légende monstrueuse qui laisse planer sur les prisonniers français une sorte de suspicion illégitime.
Nous disons que les prisonniers de guerre — et je le dis au nom de quarante de nos collègues qui ont signé l'amendement avec moi — nous disons que les prisonniers de guerre qui ont droit, comme l'a déclaré M. Ignace le jour de l'armistice, non seulement au salut de la France, mais encore au respect de la patrie, ne doivent pas être exclus d'une loi qui accorde une décoration aux soldats.
Les prisonniers de guerre en faveur desquels nous avons déposé des amendements sont les prisonniers de guerre de la première heure. Si, plus tard, quelques défections bien rares ont pu se produire — je n'en connais pas — au début de la guerre aucun prisonnier ne s'est rendu volontairement.
Tous les hommes du Nord des classes 1887 et 1888, âgés de quarante-sept, quarante-huit et quarante-neuf ans, se sont levés à l'appel de la patrie en danger. Ils sont partis dans des régiments de territoriaux ; ils sont partis comme auxiliaires dans les places fortes, alors que leurs fils servaient comme soldats dans des régiments actifs ; puis on les a envoyés en Belgique, sur Charleroi ; on les a enfermés dans des places fortes démodées dans lesquelles ils ont tenu avec la mission de tenir à outrance et de tomber sur place.
Je pose cette simple question à vos consciences droites et honnêtes : Allez-vous leur reprocher, à ces hommes âgés, d'être tombés après avoir fait tout leur devoir pour partir en captivité subir les pires souffrances dans la pire des servitudes ? Ils sont arrivés en Allemagne à une époque où l'Allemagne violait toutes les conventions, les faisant coucher à l'air libre, sans baraquements, mal nourris. Les trois quarts sont tombés sous les coups de la tuberculose, sont devenus fous, ou ont succombé du typhus exanthématique. La mort de ces hommes a été plus triste que celle de ceux qui sont tombés dans l'apothéose du combat, car ils n'ont pas eu une parole amie lorsqu'ils s'éteignaient loin de la patrie. Voilà les hommes pour qui nous demandons la médaille commémorative.
Si mon amendement était repoussé, vous assisteriez à ce paradoxe extraordinaire que les prisonniers de la dernière heure auraient cette médaille, alors que les premiers ne l'auraient pas. Dans le Nord, nous avons combattu, comme le disait M. Vandame, aux côtés de l'armée belge. Dans cette armée, on ne fait aucune différence, pour la médaille interalliée, entre les prisonniers de guerre et ceux qui sont restés mobilisés.
Nos prisonniers ont supporté les mêmes dangers sur les mêmes champs de bataille, les mêmes souffrances dans les mêmes camps et dans une même captivité, et ils n'auraient pas droit à une médaille que porteraient leurs camarades belges !
Mais je suis rassuré, étant donné votre esprit de justice. je vous demande de reconnaître, comme l'a fait la dernière Chambre, aux prisonniers de guerre qui n'ont pas démérité, que, s'il y a eu quelques cas très rares de défection, ils ont été jugés par les conseils de guerre.
Tous ceux de nos compatriotes qui ont fait leur devoir ont droit à la reconnaissance de la patrie. Je vous demande, messieurs d'adopter l'amendement que nous avons déposé. ( Applaudissements sur divers bancs. )

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. le rapporteur. Je ne crois pas qu'il existe, dans l'esprit de quiconque, une suspicion quelconque contre les prisonniers de guerre ; mais il importe, à mon sens, de les faire rentrer dans la loi commune. On exige des conditions déterminées pour la médaille de la Victoire, qui est un insigne de combattant : trois mois de présence dans une unité combattante, ou avoir fait partie d'une unité combattante, y avoir été blessé ou cité ou en avoir été évacué pour maladie. Il ne semble pas, d'abord, qu'il y ait lieu de faire un régime spécial pour ceux qui ont été prisonniers. Il est, en effet, incontestable que, quelque pénible que soit le séjour en Allemagne, il n'est cependant pas comparable à la vie de danger qu'on a menée dans les tranchées. ( Très bien ! très bien ! )
En deuxième lieu, il nous paraît impossible de prendre en bloc les prisonniers sans en faire une discrimination. Alors que vous refuseriez la médaille interalliée à des combattants qui n'ont pas un séjour suffisant aux armées, vous accorderiez la médaille interalliée à des prisonniers qui n'ont pas fait partie d'une unité combattante ? Ce serait une contradiction inexplicable. Il est impossible de prendre tous les prisonniers en bloc.
Il faut se garder, dans les meilleures intentions du monde, de se laisser entraîner et de défigurer peu à peu une loi qui devrait conserver une physionomie particulière et qui a pour but de récompenser les combattants.
C'est une mauvaise méthode de travail que de venir dépecer en séance, à coups d'amendements, un texte qui a été mûri et médité. ( Mouvements divers. )
Pour toutes ces raisons, je demande à la Chambre, au nom de la commission, de repousser l'amendement présenté par M. Pasqual. ( Applaudissements. )

M. le président. La parole est à M. le ministre de la guerre.

M. le ministre de la guerre. Je prie la Chambre de croire que, comme le rapporteur, le Gouvernement n'a aucun préjugé contre les prisonniers. Mais il ne pense pas que le fait d'avoir été prisonnier constitue à lui seul un titre et il demande à la Chambre de ne pas admettre au bénéfice de la loi, en bloc, tous les prisonniers quels qu'ils soient, combattants ou non-combattants, car telle serait, en effet, la conséquence de l'amendement de l'honorable M. Pasqual.
Les non-combattants, en effet, sortent complètement du cadre de la loi. L'insigne dont il est question est réservé aux combattants. On a discuté, tout à l'heure, avec une âpreté peut-être excessive sur la qualité de combattant. Elle ne peut, en tout cas, certainement être reconnue à ceux qui n'ont pas combattu. Voilà donc une première catégorie qui disparaît et qui ne peut pas être incluse dans le projet.
Les autres sont des soldats, ils ont combattu, ils ont été faits prisonniers. S'ils ont, pendant trois mois, figuré dans une unité combattante, ils rentrent dans les conditions générales du projet ; s'ils n'ont pas figuré pendant trois mois, et qu'ils aient été ou blessés ou cités dans l'intervalle, ils reçoivent l'insigne que vous créez.
Faut-il aller jusqu'à dire que le seul fait que l'on a été prisonnier constitue un titre à la médaille ? Je crois que ce serait aller un peu loin et je demande à la Chambre de ne pas admettre en bloc tous les prisonniers quels qu'ils soient. ( Applaudissements. )

M. le président. La parole est à M. Pasqual.

M. Pasqual. Je ne veux pas insister davantage. Qu'il me soit permis de dire à M. le ministre que je parle des prisonniers du début de la guerre, qui ont pu être faits prisonniers à cette époque. Ce sont ceux-là qui précisément appartenaient aux ambulances tombées aux mains de l'ennemi. Grâce à l'amendement de M. Mourier, ils ont satisfaction. Ils n'avaient pas trois mois de front.
Les prisonniers ont été privés de toute récompense honorifique depuis le début de la guerre, ils n'ont eu aucun avancement; ceux des régions libérées sont complètement ruinés. A l'heure où ils rentrent en France, à l'heure où vous leur dites qu'ils sont les bienvenus, je vous demande de leur donner la décoration que toutes les nations alliées accordent à leurs prisonniers sans faire de distinction. ( Très bien ! très bien ! sur divers bancs. )

M. le président. La parole est à M. Poittevin.

M. Poittevin. J'appuie de toutes mes forces l'amendement de M. Pasqual. Comme lui, j'ai été prisonnier de guerre après avoir combattu et aujourd'hui, je viens demander aux anciens combattants de s'associer à l'amendement de M. Pasqual. S'il y a eu des prisonniers, ils n'ont pas demandé à l'être. Ils ont combattu et je vous apporte ici l'écho de leur conscience. Là-bas, sur la terre d'exil, ils ne demandaient qu'à revenir en France, prendre leur place parmi les combattants. Rappelez-vous le nombre incalculable de tentatives d'évasion qui se sont produites en Allemagne.
Si vous ne vouliez pas donner le droit de porter le ruban de la médaille interalliée aux anciens prisonniers, vous les mettriez, au rang de parias, comme le disait tout à l'heure M. Girod. Ce serait commettre une injustice flagrante. ( Très bien ! très bien ! sur divers bancs. )

M. le président. La parole est à M. Balanant.

M. Balanant. J'ai regretté, tout à l'heure, que la Chambre essaie d'établir elle-même une discrimination en ce qui concerne l'attribution de la qualité de combattant aux ambulanciers. Je supplie la Chambre de ne pas continuer dans cette voie et de ne pas essayer d'établir encore une discrimination en ce qui concerne la qualité de combattant à attribuer aux prisonniers de guerre. Il est question, en ce moment, des prisonniers pris tout à fait au début de la campagne, qui, par conséquent, n'ont pas pu faire trois mois de front.
J'imagine, comme l'a dit M. Pasqual, que ce n'est point parmi ces troupes du début de la guerre, que se sont produites des défections, très rares, d'ailleurs, dans la suite.
Je prie donc la Chambre de se mettre en face de cette situation et de bien considérer que si elle refuse le titre de combattant à une catégorie de gens qui ont fait la guerre, ils seront, dans leur village, regardés de travers. On leur reprochera de n'avoir pas fait leur devoir. Vous ne pouvez les mettre dans cette situation. ( Applaudissements. )

M. le président. La parole est à M. Galli.

M. Henri Galli. Sans accorder une situation privilégiée aux prisonniers, il est possible de nous mettre tous d'accord, en décidant simplement par une légère correction à l'amendement de M. Pasqual, que tous les prisonniers qui ont appartenu à une unité combattante aient droit à la médaille interalliée.

M. le ministre de la guerre. Non, pas en bloc ; ce n'est pas possible.

M. le président. La parole est à M. Roux-Freissineng.

M. Roux-Freissineng. Il n'est pas seulement question des prisonniers de la première heure. Je crois qu'il y a une confusion lorsqu'on dit que l'amendement proposé ne s'applique qu'à eux, car il y a des prisonniers de la dernière heure qui ont été capturés alors qu'ils n'avaient pas trois mois de front. Voici un exemple : un homme arrive au front et se trouve immédiatement en présence de l'ennemi. Un mois ou deux mois après il se bat courageusement et, par suite d'une malchance extraordinaire, il est enveloppé dans un mouvement tournant et fait prisonnier.
Peut-on faire une différence entre les prisonniers de la première heure et ceux qui sont allés se battre plus tard ?
J'ajoute que ce serait, à mon avis, une injustice très grande que de maintenir la distinction proposée dans le projet de loi.
Le projet de loi dit que ceux qui auront trois mois de front auront la médaille commémorative de la victoire. Croyez-vous que l'homme qui est allé sur le front, qui s'est battu, à qui on n'a rien à reprocher, qui a été fait prisonnier, n'a pas souffert autant que celui qui a passé trois mois sur le front ?

M. Balanant. Il a autant de mérite.

M. Roux-Freissineng. Il a le même mérite, il a été fait prisonnier par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, il a toujours fait son devoir.
Cet homme, moins qu'aucun autre, ne peut être disqualifié. Cet homme, s'il revient chez lui, et qu'on lui refuse la médaille commémorative, sera méprisé par tous ses voisins, on dira qu'il n'a pas fait son devoir, c'est un châtiment qu'il subira. Vous le mettrez dans une situation telle qu'il se produira un sentiment de protestation parmi ceux qui auront reçu la médaille, c'est ce que l'un de nos collègues proclamait tout à l'heure.
On institue une médaille commémorative de la victoire, il faut qu'elle soit donnée d'une façon juste et sans aucune exception regrettable, par la loi qui l'accorde. ( Très bien ! très bien ! )

M. le président. La parole est à M. Fabry.

M. Jean Fabry. Certes, il faut reconnaître le mérite des prisonniers de guerre, et je sais combien le plus grand nombre furent méritants, mais il faut nous garder de certaines erreurs. La plus grave serait de donner une médaille, quelle qu'elle soit, à un homme appartenant à une unité qui s'est rendue.
Il est extrêmement douloureux de le dire, mais le débat nous y oblige : il y a des unités qui se sont rendues.

M. le colonel Vandame. Et les défenseurs de Douaumont, qu'est-ce que vous en faites ?

M. Jean Fabry. Il faut trouver un texte pour que les hommes appartenant à ces unités ne reçoivent aucune médaille, quelle qu'elle soit. Et l'amendement de M. Pasqual n'évite pas ce qui serait une erreur et une injustice. ( Très bien ! très bien ! )
Sur divers bancs. Nous demandons le renvoi à la commission.

M. le président. J'entends demander le renvoi à la commission. ( Oui ! oui ! )
Je consulte la Chambre.
( La Chambre, consultée, se prononce pour le renvoi. )

M. le président. L'amendement est renvoyé à la commission.
Voix nombreuses. A jeudi !

M. le président. On demande le renvoi à une prochaine séance.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Le renvoi est ordonné.

 

 

 


 

 

 

CHAMBRE DES DÉPUTÉS – Séance du jeudi 18 mars 1920
Suite de la discussion du projet de loi et de la proposition de résolution tendant à instituer une médaille interalliée

J.O. du 18 mars 1920 - Débats parlementaires - Chambre des députés - Page 614

 

 

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion : 1° du projet de loi tendant à instituer une médaille commémorative interalliée de la guerre, dite Médaille de la Victoire ; 2° de la proposition de résolution de M. Léon Pasqual et plusieurs de ses collègues, ayant pour objet d'accorder aux anciens prisonniers de guerre la médaille interalliée dite médaille de la Victoire, quelle que soit la durée de leur présence sous les drapeaux.
Dans sa dernière séance, après avoir adopté l'article 2, la Chambre a renvoyé à la commission la disposition additionnelle à cet article présentée par M. Léon Pasqual et plusieurs de ses collègues.
La commission est-elle prête à présenter ses conclusions ?

M. le général de Castelnau, président de la commission de l'armée. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l'armée.

M. le président de la commission de l'armée. Messieurs, le débat ouvert mardi dernier sur la loi portant création et attribution de la médaille interalliée, dite de la Victoire, me paraît avoir été dominé par un léger malentendu. Avant que la discussion se poursuive, je voudrais essayer de le dissiper et je vous demande pour cela quelques minutes d'une courtoise attention dont j'ai déjà apprécié et toute la bienveillance et tout le prix, et dont je vous remercie de tout cœur.
La médaille interalliée, dite de la Victoire, a été instituée et attribuée par un décret présidentiel d'octobre 1919, suivi immédiatement d'une instruction ministérielle déterminant les unités bénéficiaires de cette médaille et les déterminant dans une série de tableaux, assez touffus d'ailleurs, tableau n° 1, tableau n° 2, tableau n° 3, sur lesquels dès à présent j'attire votre attention.
Le projet actuel n'a, en somme, d'autre but que de donner en quelque sorte force de loi au décret présidentiel suivi de l'instruction ministérielle.
D'une façon générale, la médaille de la Victoire est attribuée aux soldats et aux marins ayant fait partie d'une unité réputée combattante pendant trois mois. Voilà le principe.
L'unité combattante a été définie et est encore définie par les tableaux n° 1, 2 et 3 dont je vous parlais tout à l'heure. L'instruction contenant ces tableaux s'est essentiellement inspirée d'une loi de 1917 appelée « loi Mourier » et que vous connaissez bien. Cette loi Mourier définissait le combattant et le non-combattant. L'instruction a élargi légèrement le cadre de la loi Mourier parce que le ministre de la guerre de l'époque le trouvait un peu trop étroit.
Le département de la guerre ne semble pas avoir été très heureux dans le choix de la source de ses inspirations. L'honorable M. Mourier, en effet, a déposé, mardi dernier, un amendement qui, au bénéfice des ambulances d'armée, étend non seulement les frontières de la loi qui porte son nom, mais encore celles, plus reculées, de l'instruction ministérielle sur la matière. ( Très bien ! très bien ! )

M. Ybarnégaray. Il recule le front.

M. le président de la commission. Voilà où nous en sommes. La Chambre a adopté cet amendement malgré l'avis contraire de la commission de l'armée. C'était son droit.

M. Pasqual. Les membres du Gouvernement ont voté pour l'adoption de cet amendement.

M. le président de la commission. J'ai voté contre cet amendement. Cependant, je m'associe de tout cœur et très sincèrement je vous l'affirme, à l'hommage rendu par l'honorable M. Mourier à mes camarades du corps de santé, officiers de carrière, officiers de complément. ( Très bien ! très bien ! )
Leur haute science, leur inlassable dévouement de jour et de nuit et leur froide bravoure sont au-dessus de tout éloge. ( Applaudissements. )
Et, en passant, je vous demande la permission d'adresser à tous ceux qui ont été plus directement sous mes ordres le tribut de mon admiration profonde, de ma gratitude inaltérable et de mon très fidèle attachement. ( Nouveaux applaudissements. )
Mais là n'est pas la question. Il s'agit de savoir ce qu'il faut entendre par « unité combattante ».
Pour ma part, j'avais grande confiance dans la loi Mourier adoptée en pleine guerre. Je pensais qu'ayant saisi sur le vif les tragiques évènements du champ de bataille, les ayant en quelque sorte photographiés, elle était bien à même de les interpréter sainement au point de vue qui nous occupe, c'est-à-dire la discrimination du combattant et du non-combattant ; et dans mon respect inné de la loi, je m'en tenais ferme à la doctrine de la loi Mourier. ( Sourires. )
Il paraît que je me suis trompé et je m'en excuse. ( Rires et applaudissements à droite et sur divers bancs au centre. )
Cela prouve la justesse de l'adage : vérité au-delà pendant la guerre, vérité en deçà pendant la paix, et cependant nous sommes loin des cimes neigeuses des Pyrénées. ( Rires. )

M. Charles Bernard. Pas si loin que cela.

M. Ybarnégaray. Quelques-uns de leurs représentants sont ici.

M. le président de la commission. Ce qui est plus grave, c'est que le Gouvernement lui-même tout entier, par un vote unanime en faveur de l'amendement de l'honorable M. Mourier, a déclaré que l'instruction et les tableaux édictés par le précédent Gouvernement présentent des lacunes graves et des omissions multiples. Car si vous admettez au bénéfice de la médaille de la victoire, ce dont je ne me plains pas, d'ailleurs, les ambulances d'armée qui, pendant deux ans, sont restées très loin du front, a fortiori il y a une quantité considérable d'autres formations qui méritent au même degré, si ce n'est à un degré supérieur, d'être admises au bénéfice de la médaille dite de la victoire. ( Très bien ! très bien ! sur divers bancs. )
Je me tourne alors vers M. le ministre et je lui dis : Je vous en prie, faites donc procéder à la revision de vos tableaux, faites-les reviser avec la conscience, la netteté, la précision, l'esprit d'équité et aussi la largeur de vues qui vous caractérisent.
Je sais, par une expérience personnelle, que vous n'avez pas l'habitude de travailler dans le vide ; nous n'en avons, nous, je vous l'affirme, ni le goût ni le loisir.
Je vous demande donc de faire reviser vos tableaux, pour éviter ces amendements qui vont se multiplier de plus en plus, et, lorsque vous les aurez revisés, nous les examinerons.
Messieurs, avant de vous dire les conséquences de la prière que je viens d'adresser à M. le ministre, je vous demande la permission d'ajouter quelques mots au sujet d'un amendement en faveur des prisonniers de guerre, présenté par l'honorable M. Pasqual.
L'amendement présenté par l'honorable M. Pasqual attribue, en quelque sorte, un traitement de faveur aux prisonniers de la guerre. Il dispose que la médaille de la victoire sera attribuée à tous les prisonniers de guerre sans distinction et sans que soient exigés pour eux les trois mois de présence dans une unité combattante visés dans le projet de loi pour tous soldats ou marins, candidats à la médaille de la victoire.
La commission et le projet de loi estiment qu'il ne faut faire aux prisonniers de guerre ni un traitement de faveur, ni surtout un traitement de défaveur. Pour nous, les prisonniers de guerre sont, en principe, de bons soldats qui ont été trahis par la fortune des armes ; et dans notre pensée, chacun d'eux, et en particulier les blessés, ont pu légitimement dire, quand ils ont été capturés, comme François Ier : « Tout est perdu pour moi, fors l'honneur. » ( Applaudissements. ) Voilà quelle est notre doctrine.
Mais faut-il leur faire un traitement de faveur ? Nous pensons, nous, qu'ils doivent être traités exactement comme les camarades. Et si le projet de loi ne donne pas satisfaction à M. Pasqual sur ce point, nous le modifierons. Il ne faut pas qu'il y ait de différence entre les uns et les autres, mais il ne faut pas admettre pour les prisonniers un traitement de faveur, parce que ce serait leur attribuer des mérites supérieurs à ceux de leurs camarades.

M. Charles Bernard. Ils ont assez souffert pour cela tout de même.

M. le président de la commission. Ce serait peut-être d'un fâcheux effet même au point de vue de l'exemple. La commission de l'armée est d'avis que nous ne devons pas laisser affaiblir la doctrine de l'armée française d'hier, celle d'aujourd'hui et celle de demain, que vous connaissez mieux que moi, vous les combattants du premier rang, à savoir : « La garde meurt, mais ne se rend pas ! » ( Applaudissements à droite et au centre. )
Un membre au centre. Et Maubeuge ?

M. le président de la commission. Quoi qu'il en soit, vous reconnaîtrez sans doute, avec moi, que la discussion du projet de loi ne peut pas se continuer aussi longtemps que nous serons exposés à voir des amendements, aussi nombreux que probablement justifiés, venir se jeter dans le débat.

M. le lieutenant-colonel Vandame. C'est parfaitement vrai.

M. le président de la commission. Nous estimons qu'il vaut mieux que M. le ministre de la guerre nous apporte les tableaux revisés. Quand nous les aurons examinés, d'accord avec lui, nous reprendrons la discussion. ( Applaudissements sur divers bancs au centre. ) En conséquence, la commission vous demande de retirer le projet de loi de l'ordre du jour.
En terminant, permettez-moi de vous faire part de quelques impressions que j'ai ressenties. Il ne faut pas que, nous autres, les anciens, nous nous sentions trop émus ou trop froissés par les susceptibilités de ceux qui ont eu le grand honneur de défendre la France au premier rang. Elles peuvent nous paraître exagérées, mais elles sont, en somme, très superficielles. Elles naissent d'un sentiment très honorable : la grande fierté pour ces combattants du premier rang d'avoir conduit au combat les premiers soldats du monde. ( Applaudissements. )
Et ces combattants du premier rang, ces officiers dont je vois un grand nombre dans cette Assemblée, savent bien que tous leurs camarades de tous les corps et de tous les services de l'armée ont, comme eux, souffert les séparations déchirantes ; ils savent qu'à des degrés divers, ils ont subi les morsures du soleil dans les plaines sans ombre, qu'ils ont souffert les misères de la faim et de la soif, la boue gluante ou glacée des tranchées, les bombardements violents, la vie au contact des mourants qui râlent et des morts en décomposition. Par conséquent, ils ne leur enlèvent aucun mérite, d'autant qu'ils sont convaincus que tous les officiers et soldats de l'armée française étaient déterminés à donner jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour l'honneur et l'indépendance de la patrie. ( Applaudissements. )
Ils savent aussi qu'à l'intérieur, les populations ont très cruellement souffert et des torturantes angoisses, et des incertitudes si longues, et des holocaustes, dont on ne voyait pas le terme. Elles ont donné leur temps, leur labeur, leur or, leurs enfants. Elles auraient donné plus encore pour accomplir le devoir prescrit par la patrie. Les combattants savent que si l'armée, expression militaire de la nation, a gagné la bataille, la grande nation a gagné la guerre. Ce sont ces sentiments qui sont au fond du cœur de tous les combattants et qui, croyez-le bien, animent la commission de l'armée. ( Applaudissements. )

M. le président. La parole est à M. le ministre de la guerre.

M. André Lefèvre, ministre de la guerre. J'accepte très volontiers l'invitation qui m'est faite par la commission. Mais son président me permettra de lui dire respectueusement, car il sait le respect et la sympathie que nous éprouvons tous pour lui, que je crois qu'il s'illusionne sur les vertus de la méthode qu'il nous recommande.
De quoi s'agit-il ? D'instituer une médaille interalliée, puis d'établir un tableau qui définisse les gens qui l'auront. Une première méthode consistait à partir sur un tableau qui, après tout, ne m'engageait pas et que j'aurais pu modifier au gré des impressions que j'aurais pu recueillir ou des responsabilités que j'aurais pu prendre.
Une deuxième méthode consiste à dire : Faites le tableau d'abord.
Je veux bien. Vous croyez, monsieur le président, que cela évitera les amendements ? Cela ne les évitera pas du tout. On proposera non pas des amendements, car le règlement ne le permettra peut-être pas, mais des modifications à la classification de la circulaire et, par conséquent, vous n'éviterez pas les débats auxquels vous pensez vous soustraire en intervertissant l'ordre des facteurs.
Vous avez agréablement raillé les interprétations différentes qui avaient pu naître sur la liste des bénéficiaires possibles. Vous avez dit que l'interprétation avait varié, qu'au cours de la guerre on avait bien dû savoir quels étaient les combattants et vous avez souligné, avec votre finesse habituelle, une certaine discordance entre la liste résultant de l'application de la loi Mourier et la liste qui avait été faite par le Gouvernement d'alors, qui, disiez-vous, l'un et l'autre étant dans la guerre, devaient véritablement savoir quels étaient les combattants.
Je me permets de signaler à vos observations une troisième liste émanant du grand quartier général qui, lui aussi, je pense, était dans la guerre, liste qui n'était conforme ni à celle résultant de la loi Mourier, ni à celle arrêtée par le Gouvernement. ( Très bien ! très bien ! sur divers bancs. )
Dans ces conditions et pour me résumer, j'accepte bien volontiers la nouvelle méthode que vous conseillez. Je vais arrêter un tableau. Ce tableau, je le soumettrai à la Chambre et, ensuite, la commission de l'armée et son président auront à subir les discussions non plus sur les amendements qui seront présentés avant, mais sur les propositions de modifications qui seront déposées après.

M. le président de la commission. Je crois, monsieur le ministre, que quand votre tableau sera plus complet, plus étudié qu'il ne l'est, les amendements ne disparaîtront pas, mais qu'ils seront beaucoup moins nombreux. A l'heure actuelle, en prenant pour point de départ l'amendement de l'honorable M. Mourier, c'est une quantité considérable d'amendements qui seront présentés et c'est pour éviter cela, pour aller plus vite, que je vous recommande cette méthode de travail.
Je me rallie volontiers à la solution du grand quartier général, bien que je ne la connaisse qu'imparfaitement.
Il faut prendre une base. Une ligne est tracée sur le terrain par les points de chute des projectiles de l'artillerie de moyen calibre. J'admets que l'on dise : au-delà de cette ligne, du côté de l'ennemi, médaille interalliée ; en deçà, pas de médaille interalliée.
Mais je n'apprendrai pas à un éminent mathématicien comme vous, monsieur le ministre, que, dans toute ligne, il peut y avoir des « points singuliers ». Il appartient à votre sagacité de déterminer quels points singuliers de la ligne seront admis au bénéfice de la loi et quels points singuliers de cette même ligne devront en être exclus. C'est une base qu'on peut parfaitement adopter.
Le cardinal de Retz, que vous connaissez certainement ( Sourires ), a dit : « La sagesse consiste à savoir trouver et prendre le véritable point des possibilités. »
Vous êtes un sage, monsieur le ministre, vous saurez prendre, dans le cas qui nous occupe, ce véritable point des possibilités. ( Rires et applaudissements. )

M. le ministre de la guerre. Je relirai le cardinal de Retz. ( Nouveaux rires. )

M. le président. On demande le retrait du projet de l'ordre du jour.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Le projet est retiré.

 

 

 


 

 

 

CHAMBRE DES DÉPUTÉS – Séance du jeudi 26 janvier 1922
Adoption d'un projet de loi instituant une médaille commémorative interalliée de la guerre, dite « médaille de la Victoire »

J.O. du 27 janvier 1922 - Débats parlementaires - Chambre des députés - Page 136

 

 

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi tendant à instituer une médaille commémorative interalliée de la guerre, dite « Médaille de la Victoire ».
Cette affaire a été inscrite à l'ordre du jour sous réserve qu'il n'y ait pas débat, en exécution des articles 97 à 99 du règlement.
Je consulte la Chambre sur le passage aux articles.
( Le passage aux articles est ordonné. )

M. le président. « Art. 1er. — Il est créé une médaille commémorative interalliée, dite « médaille de la victoire ». »
Je mets aux voix l'article 1er.
( L'article 1er, mis aux voix, est adopté. )
« Art. 2. — Cette médaille est accordée, sous réserve de trois mois de présence, consécutifs ou non, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918 :
« a) A tous les militaires ayant appartenu à une des unités énumérées dans une instruction ministérielle établie en tenant compte des tableaux annexés à la présente loi et ayant servi dans la zone des armées des théâtres du Nord et du Nord-Est ou dans la zone d'opérations des théâtres extérieurs ;
« b) A tous les marins ayant servi dans une des unités énumérées dans une instruction ministérielle ;
« c) Aux infirmiers et infirmières civils ayant fait partie, dans les mêmes conditions, des formations qui seront énumérées dans les instructions visées ci-dessus et seulement pour les périodes durant lesquelles ces formations ont pu s'acquérir des titres à la médaille ;
« d) S'ils n'ont pas acquis de droits à la médaille dans leur pays d'origine, aux étrangers ( militaires et civils ) ayant servi directement, sous les ordres du commandement français, dans les unités ou formations énumérées dans les instructions ministérielles, dans les mêmes conditions qu'aux militaires français et sous réserve de l'approbation des gouvernements étrangers intéressés. » — ( Adopté. )
« Art. 3. — La médaille est également accordée aux maréchaux et officiers généraux ayant commandé, pendant trois mois au moins, une unité même supérieure au corps d'armée. » — ( Adopté. )
« Art. 4. — Le droit à la médaille, sans condition de délai, est étendu aux jeunes gens de la classe 1919 et à ceux marchant avec cette classe qui ont été envoyés en renfort, avant l'armistice, dans les formations énumérées dans les instructions ministérielles précitées. » — ( Adopté. )
« Art. 5. — Le temps passé dans les lignes ennemies par le personnel militaire du service de santé, tombé aux mains de l'ennemi en assurant ses fonctions près des blessés, compte dans le délai de trois mois exigé pour les ayants droit. » — ( Adopté. )
« Art. 6. — La médaille est également accordée, sous réserve de dix-huit mois de présence consécutifs ou non, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918, dans la zone des armées des théâtres du Nord et du Nord-Est ou dans la zone d'opérations des théâtres extérieurs :
« a) A tous les militaires et marins ;
« b) Aux infirmiers et infirmières civils, ayant servi dans les mêmes conditions ;
« c) S'ils n'ont pas acquis des droits à la médaille dans leur pays d'origine, aux étrangers ( militaires et civils ) ayant servi directement sous les ordres du commandement français et sous réserve de l'approbation des gouvernements étrangers intéressés. » — ( Adopté. )
« Art. 7. — Aucun délai de séjour n'est exigé des militaires ayant reçu la Croix de guerre ou ayant été évacués pour blessure de guerre, ni pour ceux ayant fait partie des unités, énumérées dans les instructions visées à l'article 2, qui ont été évacués pour maladies ou blessures contractées en service. » — ( Adopté. )
« Art. 8. — Les prisonniers de guerre ont droit à la médaille de la victoire sans condition de durée de présence dans une unité combattante, sauf opposition motivée de l'autorité militaire. » — ( Adopté. )
« Art. 9. — Le droit à la médaille est également acquis aux militaires qui ont été tués à l'ennemi ou qui sont morts des suites de blessure de guerre et à ceux, ayant appartenu aux unités énumérées à l'instruction, qui sont morts de maladies ou blessures contractées en service. Il appartient à leur famille de se procurer, l'insigne à leurs frais. » — ( Adopté. )
« Art. 10. — La médaille sera exécutée par voie de concours entre des artistes français d'après le programme ci-après, qui a été arrêté de façon que les différentes médailles, exécutées par chaque nation alliée ou associée, soient d'un aspect aussi identique que possible :
« a) La médaille sera en bronze, ronde et du module d'environ 36 millimètres ; sa couleur, sa patine, son épaisseur, ainsi que sa bélière, seront semblables à celles de la médaille commémorative de 1870 ;
« b) L'avers représentera une victoire ailée, en pied, debout et au milieu de la médaille et de face ; le fond et les bords seront unis, mais sans aucune inscription, ni date ; la tranche sera également unie ;
« c) Le revers portera l'inscription « la grande guerre pour la civilisation ». — ( Adopté. )
« Art. 11. — Le ruban, identique pour toutes les puissances alliées ou associées, figurera deux arcs-en-ciel juxtaposés par le rouge, avec, sur chaque bord, un filet blanc.» — ( Adopté. )
« Art. 12. — Tiendront lieu de diplôme et donneront aux intéressés le droit de porter l'insigne, qu'ils devront se procurer à leurs frais :
« a) L'autorisation provisoire du port du ruban de la médaille de la victoire prévue par l'instruction ministérielle du 2 novembre 1919 ;
« b) L'autorisation du port de la médaille qui sera délivrée, dans les mêmes conditions, aux ayants droit ou à leur famille qui ne seraient pas déjà en possession d'une autorisation provisoire. » — ( Adopté. )
« Art. 13. — N'auront pas droit au port de la médaille, les militaires ou civils qui en auront été reconnus indignes, à la suite de condamnations sans sursis, au cours de la campagne, pour faits qualifiés « crimes » par le code de justice militaire. » — ( Adopté. )
« Art. 14. — Une instruction établie par chaque département ministériel fixera les conditions d'application de la présente loi. » — ( Adopté. )
« Art. 15. — Il est ouvert au ministre de la guerre et des pensions en addition aux crédits ouverts par la loi de finances du 31 décembre 1921 et par des lois spéciales pour les dépenses du budget général de l'exercice 1922, un crédit supplémentaire de 10,500 fr. qui sera inscrit à la 5e section « dépenses exceptionnelles résultant des hostilités » et au chapitre E 31 du budget de son département « décorations diverses au titre de la guerre. — Diplômes d'honneur pour les familles des militaires morts pour la patrie ».
« Il sera pourvu aux crédits ci-dessus au moyen des ressources du budget général de l'exercice 1922. » — ( Adopté. )

M. le président. Je mets aux voix 1'ensemble du projet de loi.
( L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté. )

 

 

 


 

 

 

SÉNAT – Année 1922 - Session ordinaire
Annexe au procès-verbal de la séance du 16 mars 1920

 

 

RAPPORT
fait au nom de la Commission de l'armée
*, chargée d'examiner le projet de loi, adopté par la chambre des députés,
tendant à instituer une médaille interalliée de la guerre, dite « médaille de la Victoire »

Par M. Ernest Cauvin - Sénateur.

Messieurs, l'idée de la création d'une médaille commémorative interalliée de la guerre remonte à plus de trois ans. Dans sa séance du 24 janvier 1919, la Conférence de la Paix approuvait une proposition du maréchal Foch, ainsi conçue :

« J'ai l'honneur de proposer au Conseil suprême des Alliés que les combattants de la grande guerre, appartenant aux différentes nations, reçoivent une même médaille commémorative.
Ce glorieux insigne, porté par eux dans toutes les parties du monde, entretiendrait et conserverait des sentiments d'éternelle camaraderie, qui, après avoir fait, sur le champ de bataille, la force de nos armées, assurerait, dans la paix, la grandeur des nations alliées par l'union dans le souvenir. »

Une Commission interalliée chargée d'établir, dans leurs grandes lignes, les modalités d'institution de cette médaille, adopta un certain nombre de résolutions qui reçurent l'approbation des Gouvernements intéressés.
En conséquence, le 18 juin 1919, le Gouvernement déposa sur le bureau de la Chambre des Députés un projet de loi tendant à instituer « une Médaille commémorative interalliée de la guerre, dite Médaille de la Victoire. »
En conformité avec l'accord intervenu entre les Gouvernements alliés, le texte du projet précisait que cette médaille serait réservée aux combattants, la médaille commémorative française devant, au contraire être attribuée à tous les mobilisés sans distinction.

Étaient considérés comme combattants aux termes de l'article 2 :
1° Les militaires et marins ayant appartenu, pendant trois mois au moins, à l'une des unités énumérées par le décret du 19 août 1917 ou à l'une des unités territoriales correspondantes ;
2° Les marins ayant servi, pendant trois mois au moins, dans l'une des unités énumérées par le décret du 24 janvier 1918.

Les articles 3 et 5 du projet réglaient les détails d'exécution de la médaille et de son ruban et de délivrance du diplôme ; l'article 6 excluait du droit à la médaille les militaires condamnés pour crimes au cours de la campagne ; enfin l'article 7 ouvrait au Ministre de la Guerre un crédit de 100.000 francs.
Le projet n'ayant pas été examiné par le Parlement avant la fin de la législature au cours de laquelle il avait été déposé, devint caduc. Il fut déposé à nouveau par le Gouvernement, à la Chambre, le 19 décembre 1919.
Entre-temps, un décret du 29 octobre 1919 avait d'ailleurs autorisé les bénéficiaires des dispositions du projet de loi à porter dès cette date le ruban de la médaille interalliée, et une instruction du 2 novembre 1919 avait énuméré les unités et formations devant être considérées comme unités combattantes pour l'attribution de la médaille.
Le 20 janvier 1920, MM. Léon Pasqual, le colonel Girod, Marchais, Henri Coutant et Adolphe Chéron déposaient à la Chambre une proposition de résolution tendant à accorder la « Médaille de la Victoire » aux anciens prisonniers de guerre, quelle que soit la durée de leur présence au front.
Le rapport, rédigé par M. Paul de Cassagnac, au nom de la Commission de l'armée de la Chambre, sur le projet de loi et la proposition de résolution, fut déposé au cours de la séance du 2 mars 1920.
Le rapporteur concluait à l'adoption du projet de loi, dont il acceptait les dispositions, et qu'il modifiait seulement pour réparer certaines omissions. Le droit à la médaille était étendu aux officiers généraux ayant commandé, pendant trois mois au moins, une unité égale ou supérieure au corps d'armée.
Le délai minimum de trois mois de front n'était plus exigé au cas où l'intéressé avait été évacué pour blessure ou maladie, possédait un certificat d'origine de blessure de guerre ou avait été l'objet d'une citation.
Par contre ce délai était maintenu, contrairement à la demande des auteurs de la proposition de résolution, pour les anciens prisonniers de guerre.

***

La discussion à la Chambre des Députés commença le 16 mars 1920. Mais au cours de la séance du 18 mars, des divergences d'interprétation s'étant manifestées sur les principes qui devaient présider à l'attribution de la médaille, le projet fut retiré de l'ordre du jour en vue d'une revision, par le Gouvernement, des tableaux énumérant les diverses catégories d'ayants droit.
Dix-huit mois plus tard, le 21 octobre 1921, le Gouvernement déposait un nouveau projet plus large que le précédent au point de vue des bénéficiaires, et ne réservant pas la qualité de combattant exclusivement aux militaires ayant appartenu aux unités indiquées dans l'instruction du 2 novembre 1919.
Ce projet nouveau accordait la médaille sous réserve de trois mois de présence, consécutifs ou non, aux militaires des services rattachés aux quartiers généraux des divisions et des corps d'armée : escortes de cavalerie, intendance, service de santé, train des équipages, justice militaire, prévôté, service automobile, service vétérinaire, trésor et postes et diverses formations territoriales, en un mot à tous les militaires ayant séjourné dans la zone où le danger était réel et permanent.
Le projet accordait également le droit à la médaille, sans aucun délai, aux jeunes soldats de la classe 1919, ou à ceux marchant avec cette classe qui, envoyés en renfort à la fin de la guerre dans les unités combattantes, n'avaient pu, du fait de l'armistice, acquérir les trois mois de présence nécessaires. Il supprimait de même le délai de trois mois en faveur des militaires prisonniers qui s'étaient évadés.
Aucun délai n'était plus exigé, dans le même ordre d'idées, pour les militaires possédant un certificat d'origine de blessure de guerre et pour ceux appartenant aux unités énumérées à l'instruction et ayant été cités ou évacués pour maladie ou blessure contractée en service.
Enfin l'attribution de la médaille était étendue, sous réserve d'un séjour de dix-huit mois, consécutifs ou non, dans la zone des armées, à tous les militaires, aux infirmiers et infirmières et aux étrangers ayant servi dans des conditions identiques.
La Commission de l'armée de la Chambre puis la Chambre elle-même adoptèrent sans modifications ces nouvelles dispositions. Sur un point, cependant, elles crurent devoir se montrer plus larges que le Gouvernement, en ce qui concerne les prisonniers de guerre. Le délai de trois mois n'était supprimé dans le projet, que pour ceux qui s'étaient évadés ou avaient été faits prisonniers après blessure. Ainsi se trouvaient exclus du bénéfice de la médaille les nombreux prisonniers faits dans les premiers mois de la guerre, ceux qui avaient enduré le plus longtemps les brutalités de l'ennemi et les privations.
Un amendement de M. le Député Pasqual, appuyé par la Commission, a été voté par la Chambre pour combler cette lacune tout en écartant du bénéfice de la loi les indignes dont le cas relève des tribunaux militaires. Il substitue à l'article 8 du projet du Gouvernement le texte suivant :

« Art. 8. — Les prisonniers de guerre ont droit à la médaille de la Victoire sans condition de durée de présence dans une unité combattante, sauf opposition motivée de l'autorité militaire. »

Ainsi qu'il a été décidé pour la médaille commémorative, la médaille interalliée ne sera pas délivrée gratuitement, ce qui aurait entraîné une dépense de plus de 30 millions, et il ne sera pas distribué de diplômes. Les autorisations pour le port de la médaille seront données par le dernier corps d'affectation.
L'article 15 et dernier du texte voté par la Chambre prévoit seulement l'ouverture, sur l'exercice 1922, d'un crédit supplémentaire de 10.500 francs inscrit au chapitre E. 21 du budget de la Guerre pour faire face aux dépenses du concours à la suite duquel sera fixé le modèle de la médaille, et aux frais de fabrication des poinçons originaux.

***

Tel est, Messieurs, le projet sorti des délibérations de l'autre Assemblée, le 26 janvier dernier, et qui vous est aujourd'hui soumis. Sans doute, après une parturition aussi longue et aussi mouvementée, il ne saurait présenter un caractère de perfection absolue. Il semble bien cependant qu'il doive donner satisfaction à la très grande majorité des intéressés et au pays.
Nous avons été saisi, depuis le moment où nous avons eu l'honneur d'être désigné comme rapporteur, d'un certain nombre de vœux et de desiderata.
En particulier, certaines sections de l'Union nationale des Anciens Militaires de la guerre 1914-18 ont demandé que la médaille de la Victoire fût accordée « à l'ancienneté » à tous les militaires présents sous les drapeaux pendant trente-six mois, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918. Une telle disposition, outre qu'elle établirait une confusion regrettable entre la médaille commémorative de la guerre et la médaille de la victoire, viendrait nettement à l'encontre de l'accord intervenu entre les Gouvernements alliés au sujet de l'attribution de cette dernière aux seuls combattants. Nous ne croyons donc pas devoir nous arrêter à cette suggestion.
D'autre part, certains de nos collègues, reprenant une idée défendue à la Chambre par M. Miellet, ont exprimé le désir que parmi les bénéficiaires de la médaille figurent « les Alsaciens-Lorrains engagés volontaires, qui ont appartenu pendant une durée quelconque à une unité combattante et ceux qui justifieront avoir déserté les rangs allemands, même s'ils n'ont pas été, après leur engagement, affectés à une unité combattante ».
Certes, le cas des Alsaciens-Lorrains est digne à tout point de vue de l'attention la plus bienveillante du Parlement et si le projet nous paraissait ne pas leur accorder les récompenses qui leur sont légitimement dues, nous n'hésiterions pas, malgré l'urgence qu'il y a actuellement à aboutir, à demander au Sénat le vote de dispositions additionnelles. Mais deux remarques s'imposent. D'une part, en ce qui concerne les Alsaciens-Lorrains demeurés en France à la mobilisation qui ont déserté les lignes allemandes avant les derniers mois de la guerre, le plus grand nombre d'entre eux, s'il ont été retirés d'office des unités combattantes proprement dites, ont été néanmoins utilisés dans des formations de la zone des armées où un séjour de trois mois ou de dix-huit mois selon le cas, leur donne droit, aux termes des articles 2 et 6, à la médaille de la Victoire ; d'autre part, d'une façon plus générale, les Alsaciens-Lorrains dont la conduite est apparue digne d'éloges ont déjà été l'objet de citations, pour lesquelles l'autorité a tenu à se montrer particulièrement large, et qui comportent, aux termes de l'article 7, l'octroi de la médaille interalliée.
Dans ces conditions, nous ne croyons pas nécessaire d'apporter au projet des modifications qui entraîneraient son retour devant l'autre Assemblée.

Enfin, notre collègue, M. Dominique Delahaye nous a également saisi de deux dispositions additionnelles :
La première consisterait à ajouter à l'article 10 l'alinéa suivant : « Cette médaille servira également à orner l'insigne des blessés de guerre, mais dans ce cas le ruban auquel elle sera suspendue conservera ses couleurs distinctives, bleu, et rouge. »
Cette suggestion ne peut être retenue, pour la raison que l'insigne des blessés ne constitue pas une décoration. Sa véritable raison d'être, au moment où il a été créé, a été d'éviter que les réformés ne pussent être confondus avec ceux que l'opinion publique qualifiait « d'embusqués » ; à l'heure actuelle cet insigne n'a plus qu'une utilité des plus relatives et il ne saurait être question de le transformer en une décoration supplémentaire. On ne pourrait d'ailleurs songer à suspendre à un ruban d'un ordre tout différent la « médaille de la victoire » qui a un autre caractère ou qui ferait double emploi.
La deuxième disposition additionnelle s'appliquerait à l'article 2 et serait ainsi rédigé :
« Le ruban sera orné d'une barrette en métal blanc portant les mots « engagé volontaire », pour tous ceux qui, vieux ou jeunes, dégagés de tout service militaire, ou non susceptibles d'appel dans les deux ans, se seront engagés au cours de la grande guerre.
« Auront droit au port de la barrette d'engagé volontaire les officiers de complément qui, bien que libérés, dès le temps de paix, par leur âge, de toute obligation militaire, étaient restés volontairement dans les cadres de la réserve ou de la territoriale et ont servi à ce titre pendant la guerre. »
Les engagés volontaires, pour la plupart, méritent des égards particuliers et des récompenses : citations ou décorations leur ont été, dans de nombreux cas, accordées au cours de la guerre. Mais la question d'une barrette distinctive, qui pouvait se poser à propos de la médaille commémorative de la guerre, ne saurait être envisagée à propos de la médaille interalliée de la Victoire. Elle ne cadrerait pas avec le caractère de cette dernière, et, considération plus décisive encore, un grand nombre d'engagés volontaires se trouveraient exclus du bénéfice de la barrette. Beaucoup d'entre eux, en effet, n'ayant pu, en raison de leur âge, être utilisés dans la zone de l'avant, n'ont pas droit à la médaille interalliée. Il y aurait là une inégalité inadmissible qui suffirait, à notre avis, à faire écarter la disposition.
C'est dans ces conditions, Messieurs, que nous vous proposons d'adopter sans modification le texte voté par l'autre Assemblée et qui figure ci-dessous.
Ce texte a été complété par une liste indicative générale des formations dont le personnel a droit à la médaille de la Victoire au bout de trois mois ; cette liste est annexée au projet déposé le 9 février dernier par le Gouvernement sur le bureau du Sénat, et qui vous a été distribué.

* Commission composée de MM. Boudenoot, Président ; Cauvin, Paul Doumer, Vice-présidents ; Charles Chabert, Lucien Cornet, Secrétaires ; le Comte d'Alsace Prince d'Hénin, Pierre Berger, le Général Bourgeois, Jules-Louis Breton, Jean Cazelles, Chalamet, Pierre Codet, le Comte d'Elva, Fernand Merlin, Gasser, Gaudin de Villaine, Gentil, Grosdidier, Hayez, Hervey, le Général Hirschauer, De la Batut, De Landemont, Le Barillier, André Lebert, Albert Lebrun, De Lubersac, Mauger, Gaston Menier, Paul Pélisse, Pédebidou, Guillaume Poulle, Richard, Sabaterie, le Colonel Stuhl, le Général Taufflieb.

 

 

 


 

 

 

SÉNAT – Séance du jeudi 6 avril 1922
Adoption d'un projet de loi créant une médaille de la Victoire

J.O. du 7 avril 1922 - Débats parlementaires - Sénat - Page 640

 

 

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, tendant à instituer une médaille commémorative interalliée de la guerre, dite « médaille de la Victoire ». J'ai à donner connaissance au Sénat du décret suivant : « Le Président de la République, « Sur la proposition du ministre de la guerre et des pensions, « Vu l'article 6, paragraphe 2, de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics qui dispose que les ministres peuvent se faire assister devant les deux Chambres par des commissaires désignés pour la discussion d'un projet de loi déterminé, « Décrète :
« Art. 1er. — M. le commandant Delalande, en service au ministère de la guerre, est désigné, en qualité de commissaire du Gouvernement, pour assister le ministre de la guerre et des pensions, au Sénat, dans la discussion du projet de loi, adopté par la chambre des députés, tendant à instituer une médaille commémorative interalliée de la guerre, dite « médaille de la Victoire ».
« Art. 2. — Le ministre de la guerre et des pensions est chargé de l'exécution du présent décret.
« Fait à Paris le 1er février 1922. « A. Millerand. « Par le Président de la République : « Le ministre de la guerre et des pensions, Maginot. »

M. Cauvin, rapporteur. J'ai l'honneur de demander au Sénat, d'accord avec le Gouvernement, de vouloir bien déclarer l'urgence.

M. le président. Je consulte le Sénat sur l'urgence qui est demandée par la commission, d'accord avec le Gouvernement. Il n'y a pas d'opposition ?... L'urgence est déclarée. Si personne ne demande la parole dans la discussion générale, je consulte le Sénat sur la question de savoir s'il entend passer à la discussion des articles du projet de loi. ( Le Sénat décide qu'il passe à la discussion des articles. )

M. le président. Je donne lecture de l'article 1er : « Art. 1er. — Il est créé une médaille commémorative interalliée, dite « médaille de la Victoire ».
Je mets aux voix l'article 1er. ( L'article 1er est adopté. )

M. le président. « Art. 2. — Cette médaille est accordée, sous réserve de trois mois de présence, consécutifs ou non, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918 :
« a) A tous les militaires ayant appartenu à une des unités énumérées dans une instruction ministérielle établie en tenant compte des tableaux annexés à la présente loi et ayant servi dans la zone des armées des théâtres du Nord et du Nord-Est ou dans la zone d'opérations des théâtres extérieurs ;
« b) A tous les marins ayant servi dans une des unités énumérées dans une instruction ministérielle ;
« c) Aux infirmiers et infirmières civils ayant fait partie, dans les mêmes conditions, des formations qui seront énumérées dans les instructions visées ci-dessus et seulement pour les périodes durant lesquelles ces formations ont pu s'acquérir des titres à la médaille ;
« d) S'ils n'ont pas acquis de droits à la médaille dans leur pays d'origine, aux étrangers ( militaires et civils ) ayant servi directement, sous les ordres du commandement français, dans les unités ou formations énumérées dans les instructions ministérielles, dans les mêmes conditions qu'aux militaires français et sous réserve de l'approbation des gouvernements étrangers intéressés. »

M. Blaignan. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Blaignan.

M. Blaignan. L'article 2 du projet en discussion stipule que la médaille de la Victoire sera attribuée à tous les militaires ayant appartenu à l'une des unités énumérées dans une instruction ministérielle établie en tenant compte des tableaux annexés à la loi. Or, si nous nous en référons aux tableaux en question, nous constatons que certaines unités ont été totalement oubliées. Je sais bien que la liste n'est pas limitative et que, tout au moins d'après la note qui figure au bas des tableaux, des instructions ministérielles ultérieures pourront la compléter. Je tiendrais cependant à obtenir de M. le ministre de la guerre ou de son représentant l'assurance qu'il n'oubliera pas les catégories suivantes de personnel : les compagnies de cantonniers militaires, les compagnies dites du génie militaire et les compagnies des mariniers militaires. Il serait superflu de rappeler les services que ces unités ont rendus sur le front. Les cantonniers ont réparé les routes sous le feu de l'ennemi, le génie a construit des ponts, parfois démolis par l'artillerie ennemie, en cours de construction ; quant aux mariniers, ils ont aidé au ravitaillement et à l'évacuation des blessés. Les uns et les autres ont eu leurs tués. Je vous demande de décider que ces hommes qui ont été à la peine soient aussi à l'honneur. ( Très bien ! très bien ! )

M. le rapporteur. Tous les gens qui ont fait du service militaire dans la zone des armées se trouvent compris dans l'énumération. Il est superflu de faire une catégorie spéciale pour ces militaires.

M. Blaignan. C'est une erreur, monsieur le rapporteur. J'ai quelque raison de croire que la quatrième direction ne tient pas à insérer dans la liste ces catégories de personnel.

M. Le Barillier. Pour quelle raison ?

M. Blaignan. Ce sont des personnels militarisés et non des militaires.

M. le rapporteur. Nous serions reconnaissants à M. le commissaire du Gouvernement de bien vouloir nous donner quelques explications.

M. le président. La parole est à M. le commissaire du Gouvernement.

M. le commandant Delalande, commissaire du Gouvernement. Ainsi que l'indiquent les tableaux annexés au projet de loi qui vous est soumis, la liste dont il s'agit n'est pas limitative. Le projet de loi étend l'attribution de la médaille interalliée dite « médaille de la Victoire » à tous les quartiers généraux des divisions et des corps d'armée. Si les unités auxquelles vous vous intéressez ont été rattachées à ces quartiers généraux, leur personnel recevra naturellement la médaille de la Victoire. Par ailleurs, si ce même personnel est resté pendant dix-huit mois, dans un endroit quelconque de la zone des armées, il aura droit également à la médaille de la Victoire. Il n'est donc pas du tout lésé par le projet de loi qui vous est soumis. ( Très bien ! très bien ! )

M. Blaignan. Je prends acte des déclarations de M. le commissaire du Gouvernement.

M. Le Barillier. Elles vous donnent complète satisfaction.

M. le président. S'il n'y a pas d'autre observation, je mets aux voix l'article 2. ( L'article 2 est adopté. )

M. le président. « Art. 3. — La médaille est également accordée aux maréchaux et officiers généraux ayant commandé, pendant trois mois au moins, une unité même supérieure au corps d'armée. » — ( Adopté. )
« Art. 4. — Le droit à la médaille, sans condition de délai, est étendu aux jeunes gens de la classe 1919 et à ceux marchant avec cette classe qui ont été envoyés en renfort, avant l'armistice, dans les formations énumérées dans les instructions ministérielles précitées. » — ( Adopté. )
« Art. 5.— Le temps passé dans les lignes ennemies par le personnel militaire du service de santé, tombé aux mains de l'ennemi en assurant ses fonctions près des blessés, compte dans le délai de trois mois exigé pour les ayants droit. » — ( Adopté. )
« Art. 6. — La médaille est également accordée, sous réserve de dix-huit mois de présence, consécutifs ou non, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918, dans la zone des armées des théâtres du Nord et du Nord-Est ou dans la zone d'opérations des théâtres extérieurs : a) A tous les militaires et marins ; b) Aux infirmiers et infirmières civils ayant servi dans les mêmes conditions ; c) S'ils n'ont pas acquis des droits à la médaille dans leur pays d'origine, aux étrangers ( militaires et civils ) ayant servi directement sous les ordres du commandement français et sous réserve de 1'approbation des gouvernements étrangers intéressés ».

M. Gaston Carrère. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Carrère.

M. Gaston Carrère. Messieurs, je m'excuse de présenter quelques explications sur cet article sans avoir averti M. le rapporteur de mon intention, mais j'ai été pris un peu au dépourvu. Je veux plaider la cause des R. A. T., c'est-à-dire des hommes de la réserve de l'armée territoriale. ( Mouvements divers. )

M. Lucien Hubert. Il y a longtemps qu'on n'en n'avait parlé !

M. Gaston Carrère. Je désire présenter une simple observation de bon sens.

M. Gaudin de Villaine. Très bien !

M. Gaston Carrère. L'article 6 dit que « ...la médaille est également accordée, sous réserve de dix-huit mois de présence, consécutifs ou non, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918, dans la zone des armées des théâtres du nord et du nord-est ou dans la zone d'opérations des théâtres extérieurs : « a) A tous les militaires ou marins... » J'estime que le R. A .T., mobilisé dans la zone des armées, a eu grand mérite, alors qu'il semblait, par son âge, appelé à servir seulement à l'intérieur...

M. Le Barillier. Le R. A. T. n'était pas dégagé de toute obligation militaire.

M. Gaston Carrère. En tout cas, il était presque dégagé de toute obligation militaire. Je demande donc, sans déposer d'amendement, que, pour la réserve de l'armée territoriale, la limite soit abaissée à un an au lieu de dix-huit mois, période minimum exigée aussi bien pour les jeunes classes, que pour les anciennes. Evidemment, c'est là une distinction à introduire dans la loi, mais il faut reconnaître que si une grande partie de la réserve de l'armée territoriale n'a pas pris part à toute la gloire de la guerre, elle a participé du moins à ses plus durs travaux. Des hommes de cette catégorie ont été versés dans l'armée active. J'ai eu, personnellement, l'honneur de servir, dans les tranchées, à côté de pères de trois enfants qui étaient R. A. T.

M. Gaston Carrère. Un certain nombre d'hommes de la réserve de l'armée territoriale ont été envoyés dans des unités combattantes de première ligne et y sont restés trois mois, six mois, quelquefois même une année et on ne les a retirés de la ligne de feu que lorsque les ressources du pays en hommes ont été suffisantes pour arrêter l'ennemi. Je demande au représentant de M. le ministre de la guerre si ces hommes qui avaient de quarante à quarante-cinq ans et qui n'ont qu'une année de séjour sur la ligne de feu au lieu de dix-huit mois, vont être privés de la médaille de la Victoire. S'il en était ainsi, vous aboutiriez à une situation paradoxale plus favorable aux secteurs agités.

M. Le Barillier. Ils ont tous été agités à un moment donné.

M. Gaston Carrère. Celui qui aura passé dix-huit mois dans un secteur calme de la zone des armées aura la médaille de la Victoire et un pauvre territorial qui aura été versé, à un moment où il y avait pénurie d'effectifs, dans une unité de première ligne, sera privé de cette médaille parce qu'il n'aura qu'un an de présence dans cette unité. Je regrette de ne m'être pas mieux préparé à défendre mon amendement. Soyez persuadés, messieurs, que la cause que je défends mérite votre bienveillance. C'est une marque de sympathie que je vous demande d'accorder à nos braves R. A. T. ( Applaudissements. )

M. le rapporteur. Je rappelle que, pour les R. A. T. on n'exige pas dix-huit mois ou un an de présence mais trois mois seulement. Evidemment, il y en a qui, en moins de temps, ont couru des risques très graves — j'en ai vu moi-même dans une situation très dangereuse — et ceux-là mériteraient autant que les autres d'obtenir la médaille. Mais enfin, on demande une présence de trois mois : c'est peut-être encore beaucoup. Peut-être, serait-il possible d'examiner certains cas particuliers, mais non pas d'en faire une règle générale. Permettez-moi de vous faire connaître, mes chers collègues, que le Gouvernement désirerait que le projet fût voté dans les termes mêmes où il nous est venu de la Chambre. Je vous prie donc, non seulement de ne pas déposer de nouveaux amendements, mais encore de ne pas insister sur ceux qui ont été déposés. En tout cas, il sera possible, à mon sens, de tenir compte des observations très justes qui viennent d'être présentées et auxquelles je m'associe très volontiers. ( Très bien ! )

M. le commissaire du Gouvernement. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le commissaire du Gouvernement.

M. le commissaire du Gouvernement. Je crois pouvoir affirmer que les territoriaux ne seront pas lésés. S'ils ont été en première ligne, en admettant même qu'ils n'aient pas accompli les trois mois, ils en auront accompli une partie, un ou deux mois par exemple. Dans le temps exigé ensuite pour le séjour dans la zone des armées, chaque mois passé ainsi en première ligne dans une unité combattante leur comptera comme six mois passés dans la zone des armées. C'est ce qui sera expliqué dans l'instruction ministérielle relative à l'application de la loi. ( Très bien ! très bien ! )

M. Gaston Carrère. Je n'insiste pas, étant donné que le Sénat est unanime à rendre hommage aux braves territoriaux. Mais je sollicite M. le ministre de la guerre d'examiner avec le plus de bienveillance possible le cas de ceux qui se sont trouvés dans les unités dont les registres ont disparu, et qui ne pourraient pas justifier de leur temps de présence ( Exclamations ), c'est quelquefois difficile.

M. le rapporteur. Je crois pouvoir dire que la commission de l'armée ne manquera pas de donner un avis très favorable à toutes les catégories de demandes qui paraîtront justifiées.

M. le président. Il n'y a pas d'autre observation sur l'article 6 ?... Je le mets aux voix. ( L'article 6 est adopté. )

M. le président. « Art. 7. — Aucun délai de séjour n'est exigé des militaires ayant reçu la Croix de guerre ou ayant été évacués pour blessure de guerre, ni pour ceux avant fait partie des unités énumérées dans les instructions visées à l'article 2, qui ont été évacués pour maladies ou blessures contractées en service. » Par voie d'amendement, M. le colonel Stuhl propose de rédiger comme suit cet article : « Aucun délai de séjour n'est exigé des militaires ayant reçu la Croix de guerre ou ayant été évacués pour blessure de guerre, ni pour ceux ayant fait partie des unités énumérées dans les instructions visées à l'article 2, qui ont été évacués pour maladies ou blessures contractées en service, ni pour les engagés volontaires en vertu de la loi du 13 août 1915 ayant servi dans la zone des armées et ayant été réformés pour blessures ou maladie contractée dans le service. » La parole est à M. le colonel Stuhl.

M. le colonel Stuhl. Mon amendement vise les réformés d'avant-guerre qui, d'après la loi du 13 août 1915, c'est-à-dire la loi Dalbiez, ont pu contracter un engagement pour occuper une fonction dans l'armée et ceux de cette catégorie de soldats qui sont allés dans la zone des armées, qui y ont été blessés, ou y ont contracté une maladie et ont obtenu l'insigne des blessés. Pour ces catégories, je demande que le délai de trois mois ne soit pas exigé. ( Applaudissements. )

M. le rapporteur. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. le rapporteur. Cette catégorie de militaires se trouve dans le même cas que les R. A. T. précédemment visés qui sont allés dans la zone des armées. Il serait désirable que, sans prolonger la discussion, notre collègue voulût bien se contenter des observations que la commission veut bien m'autoriser à lui faire entendre.

M. le commissaire du Gouvernement. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le commissaire du Gouvernement.

M. le commissaire du Gouvernement. Messieurs, si M. le ministre de la guerre et des pensions n'était pas retenu cet après-midi à la Chambre des députés par les devoirs de sa charge, il serait venu lui-même à cette tribune vous demander instamment d'adopter le projet de loi instituant une médaille interalliée dite « médaille de la Victoire », tel qu'il a été adopté par la Chambre des députés, et accepté tout d'abord par votre commission de l'armée, ainsi que l'indique le rapport n° 186, distribué le 16 mars 1922. En effet, si ce projet de loi n'était pas adopté dans les termes où il vous est soumis, il serait nécessaire de le renvoyer à la Chambre des députés, ce qui, à cette époque de l'année, entraînerait un ajournement de plusieurs semaines, sinon de plusieurs mois, du vote définitif.

M. Dominique Delahaye. Ce projet a bien attendu un an, il attendra bien quelques semaines de plus.

M. le commissaire du Gouvernement. Il en résulterait, je crois, une vive émotion chez les combattants et leur mécontentement à ce sujet augmenterait encore. Il est évident que le retard actuel n'est pas imputable à la haute Assemblée, mais à des raisons d'un ordre différent. Néanmoins, il faut bien remarquer qu'on s'occupe de ce projet de loi depuis 1919. Un nouvel ajournement, qui empêcherait les combattants de porter enfin légalement la médaille de la Victoire ne serait justice, semble-t-il, que s'il avait pour but de réparer une injustice provenant d'une erreur ou d'un oubli du Gouvernement ou de ceux qui ont collaboré à l'élaboration de ce projet de loi. Or, il n'en est rien, et j'estime, au contraire, que l'adoption d'un amendement comme celui que vient de présenter M. le colonel Stuhl, ouvrirait très certainement la voie à de nombreuses autres dérogations, ne cadrerait pas du tout avec l'ensemble du projet de loi qui vous est soumis et qui a pour but essentiel d'assurer l'exécution, en France, d'une résolution de la conférence de la paix prise sur la proposition du maréchal Foch, proposition tendant à attribuer une même médaille commémorative à tous les combattants des nations alliées. En ce qui concerne spécialement cet amendement, je fais tout d'abord remarquer qu'une erreur semble s'être glissée dans la date de la loi qui y est visée. J'ai trouvé, en effet, une loi du 17 août 1915 ; et non pas du 13 août 1915. C'est la loi Dalbiez, assurant une juste répartition et une meilleure utilisation des hommes mobilisés ou mobilisables. Dans son article 4, visé par l'amendement, elle disposait que les exemptés ou réformés, ainsi que les hommes dégagés par leur âge de toute obligation militaire seraient autorisés à contracter dans les services de l'armée, et dans la mesure des besoins, pour la durée de la guerre, et, après vérification d'aptitude, un engagement spécial pour un emploi à leur choix. Pourquoi donc, dans le projet qui vous est soumis et qui est relatif aux combattants, introduire un amendement en faveur de ces engagés spéciaux qui, d'une manière générale, ont rendu des services dans des emplois sédentaires et de l'arrière ?

M. le colonel Stuhl. Non pas. J'ai précisé que c'était dans la zone des armées. Il ne s'agit pas de l'arrière.

M. le commissaire du Gouvernement. Disons : « dans la partie arrière de la zone des armées ». Du reste, la médaille commémorative française est attribuée à tous ceux qui ont eu l'honneur de servir pendant la guerre sous les drapeaux français. Nous estimons que dans l'attribution de la médaille interalliée, il y a lieu de faire une distinction en faveur des combattants et de ceux qui, par un séjour prolongé dans la zone des armées, ont couru des dangers réels. La zone des armées s'est étendue, en effet, parfois très loin en arrière du front. Or, une exception en faveur de ces engagés volontaires, qui auront peut-être servi très loin à l'arrière de la zone des armées, surtout si l'on n'exige pour eux aucun délai de séjour, ne semble pas justifiée par cette raison que ces hommes se sont engagés dans un emploi de leur choix. Certes, nous n'avons pas l'intention de diminuer en rien le mérite de leur geste, mais, dans le propre intérêt des engagés volontaires, il y a lieu d'établir une distinction entre eux, suivant le risque qu'ils ont couru. D'ailleurs ces engagés volontaires ont déjà été récompensés, puisqu'ils ont droit, d'après la loi sur la médaille commémorative française de la grande guerre, de porter, sur le ruban, la barrette d'engagé volontaire. C'est pourquoi nous vous demandons de ne pas accepter l'amendement qui vous est proposé.

M. le colonel Stuhl. Le Sénat ne peut cependant pas, sous prétexte de voter rapidement le projet, léser les intérêts légitimes d'une catégorie très intéressante de soldats. ( Très bien ! ) Mon amendement vise d'une façon précise ceux qui, dans la zone des armées, ont obtenu l'insigne des blessés. Il ne s'agit donc pas d'hommes qui se sont trouvés simplement à 1'arrière dans des emplois quelconques. Ces engagés volontaires sont aussi intéressants que les autres, et il n'existe pas de raison de les éliminer sous prétexte qu'ils ne sont pas restés dans la zone des armées pendant un délai de trois mois. ( Applaudissements. )

M. le rapporteur. Si l'on veut simplement éviter que la loi retourne à la Chambre, il serait sans doute préférable de repousser l'amendement. Mais si, d'une façon certaine, le projet doit retourner devant l'autre Assemblée, par suite de l'adoption d'un certain nombre d'amendements, il faut reconnaître que celui du colonel Stuhl est acceptable. ( Approbation sur divers bancs. )

M. Dominique Delahaye. On pourrait l'ajourner après le vote des autres amendements.

M. le commissaire du Gouvernement. Il n'est pas question de refuser la médaille de la Victoire aux blessés, puisque l'article 7 prévoit que, sans exiger d'eux un délai de séjour dans la zone des armées, tous y auront droit.

M. le colonel Stuhl. C'est donc bien entendu : tous ceux qui ont l'insigne des blessés auront cette médaille ?...

M. le commissaire du Gouvernement. Tous les blessés de guerre, tous les « gazés » ont droit, sans délai de séjour, à la médaille de la Victoire.

M. le général Hirschauer. La Chambre des députés ayant gardé cette loi pendant deux ans, il n'existe aucun motif sérieux, si nous y trouvons des lacunes, pour ne pas l'examiner à fond ; comme vient de le dire M. le rapporteur, la question est vraiment secondaire. ( Assentiment. )

M. Dominique Delahaye. Très bien !

M. le général Hirschauer. Une différence doit être établie. Tout à l'heure, on parlait, très justement, d'ailleurs, des services rendus par les R. A. T. qui ont dû obligatoirement aller sous les drapeaux. Mais il s'agit ici d'une autre catégorie : ceux qui, soit par des infirmités, soit par l'âge, étaient libérés du service, et qui, s'étant mis volontairement à la disposition du ministre de la guerre, ont demandé des postes dans la zone des armées. Voulez-vous me permettre un souvenir personnel ? J'eus un automobiliste, que j'emmenais naturellement dans des endroits dangereux ; il avait une jambe paralysée. Exempté de tout service, la loi Dalbiez lui a permis de s'engager ; mais il n'a pas pu servir trois mois, en raison de son état de santé. Cet homme a-t-il droit à la médaille ? Son cas est aussi intéressant que celui des R. A. T.

M. Dominique Delahaye. Vous avez parfaitement raison.

M. le général Hirschauer. On pourrait citer d'autres cas, par exemple ceux de secrétaires d'état-major qui ont demandé de servir dans les formations de 1'avant. Il n'ont pas pu y rester trois mois, par suite de leur mauvais état de santé, car ils ne pouvaient supporter le régime beaucoup plus dur des postes de commandement. Ces cas ne sont-ils pas intéressants aussi ? Il n'y a pas d'inconvénient à insérer dans la loi des précisions de cette nature.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. le rapporteur. Je me permettrai de citer également un exemple, celui d'un capitaine de soixante-dix ans qui, chargé de faire des tranchées à l'arrière, a été envoyé ensuite au front, sur sa demande. Il a été tué au bout de quatre jours sans avoir trois mois de service, par conséquent. S'il est possible par assimilation, par interprétation de donner satisfaction à nos collègues, je ne vois pas intérêt à voter les amendements. Dans le cas contraire, des amendements sont nécessaires.

M. le président. La parole est à M. le commissaire du Gouvernement.

M. le commissaire du Gouvernement. Encore une fois, il ne s'agit pas d'attribuer la médaille de la Victoire dans des conditions identiques à celles de l'attribution de la médaille commémorative française ; ce serait faire double emploi avec celle-ci. J'affirme que tous les combattants blessés du fait de l'ennemi auront droit à la médaille de la Victoire, sans qu'aucune condition de séjour leur soit imposée. Par ailleurs, pour ceux qui ont servi dans une des unités combattantes, qui ont été rattachés, comme je le disais tout à l'heure, jusqu'aux quartiers généraux de corps d'armées, et qui auront servi pendant un ou deux mois dans cette zone et dans ces unités, le temps passé ainsi dans ces unités comptera pour six mois dans le décompte total du temps qu'ils ont passé dans la zone des armées. Or la zone des armées s'est étendue fort loin. Dans une guerre qui a duré aussi longtemps, il est certain que tous ceux qui ont vraiment droit à la médaille de la Victoire la recevront, du fait même de la loi qui vous est soumise, et qui étend très généreusement, très largement le nombre des ayants droit, surtout si on la compare au décret de 1919 et au premier projet successivement déposé à la Chambre en juin et en décembre 1919. L'étendre davantage, je le dis en toute conscience, ce serait faire de la médaille de la Victoire, destinée aux combattants, une simple réplique de la médaille commémorative française. ( Très bien ! )

M. le général Hirschauer. Tous les engagés de la loi Dalbiez qui, à un titre quelconque, ont reçu l'insigne des blessés, ont-ils droit à la médaille de la Victoire, oui ou non ? La question est bien simple.

M. le commissaire du Gouvernement. L'insigne des blessés a fait l'objet d'une résolution, adoptée, à la Chambre des députés, sur l'initiative de MM. Paté et Petitjean, qui précisait que cet insigne serait remis à tous ceux qui, évacués de la zone des armées, sont venus à l'intérieur pour des causes quelconques, indépendantes de leur volonté. J'entends par là blessure ou maladie contractée en service. Il faut penser, en effet, qu'à l'époque où cette résolution a été votée, en 1918, nombre de militaires, revenus à l'arrière, revêtaient des effets civils et pouvaient être bien des fois l'objet de certains malentendus, être considérés comme des « embusqués ». Je m'excuse d'employer ce mot-là. L'attribution de l'insigne des blessés avait été étendue ainsi très largement. Je ne puis pas dire que la médaille de la Victoire sera attribuée à tous ceux qui ont été évacués de la zone des armées pour des causes indépendantes de leur volonté, pour des maladies contractées à l'arrière, ou comme victimes d'un accident en service commandé, en recevant par exemple un coup de pied du cheval qu'ils conduisaient. Il est évident que l'on ne peut pas donner à tous ceux-là l'insigne de la médaille de la Victoire.

M. le rapporteur. Je croyais que les militaires de la catégorie dont vient de parler M. le commissaire du Gouvernement étaient compris dans ceux qui auraient droit à la médaille de la Victoire. D'après les explications qu'il vient de fournir, il se peut que je me sois trompé. Je déclare donc que je ne combattrai pas l'amendement de M. le colonel Stuhl. ( Très bien ! très bien ! )

M. le président. Je consulte le Sénat sur l'amendement de M. le colonel Stuhl, qui est repoussé par le Gouvernement. ( Après une épreuve déclarée douteuse, le Sénat décide, par assis et levé, que l'amendement est adopté et devient l'article 7. )

M. le président. « Art 8. — Les prisonniers de guerre ont droit à la médaille de la Victoire sans condition de durée de présence dans une unité combattante, sauf opposition motivée de l'autorité militaire. » ( Adopté. )
MM. le général Bourgeois, le général Hirschauer, le colonel Stuhl et Scheurer proposent ici un article nouveau 8 bis ainsi conçu : « La médaille de la Victoire sera accordée aux Alsaciens et Lorrains engagés volontaires qui ont appartenu pendant une durée quelconque à une unité combattante, et à ceux qui justifieront avoir déserté les rangs allemands, même s'ils n'ont pas été, après leur engagement, affectés à une unité combattante. »
La parole est à M. le général Hirschauer.

M. le général Hirschauer. Messieurs, M. le général Bourgeois, ayant été obligé de se rendre à la Chambre, m'a prié de le remplacer à cette tribune.

M. Dominique Delahaye. Vous avez cause gagnée. L'on a rien à refuser aux Alsaciens-Lorrains.

M. le général Hirschauer. Tout à l'heure, messieurs, si j'insistais sur ce point que la loi devait retourner à la Chambre, c'est précisément en raison du texte additionnel que nous demandons au Sénat d'intercaler après l'article 8. Nous désirons récompenser les Alsaciens et les Lorrains qui se sont échappés du service allemand pour venir servir dans les rangs français. Cela n'a pas toujours été leur faute s'ils n'ont pu servir longtemps. Mais quels dangers n'ont-ils pas courus en changeant de ligne et en rentrant sous leur vrai drapeau ! à quelles tracasseries leurs familles n'ont-elles pas été en butte après leur départ ! biens saisis, proscription dans des cas extrêmement nombreux. Quand certains de ces jeunes gens accomplissaient l'acte qu'ils désiraient tous, mais qu'ils n'ont pu tous réaliser, ils savaient très bien ce qui attendait les leurs. Il y a donc un acte de reconnaissance à accomplir envers nos jeunes compatriotes et il est bon qu'ils puissent être distingués parmi tous les autres...

M. Dominique Delahaye. Ils ont droit non seulement à l'égalité, mais à un traitement de faveur.

M. le général Hirschauer. Permettez-moi de vous rappeler seulement que c'est grâce à quelques-uns de ces jeunes gens qu'à la veille de la bataille de Champagne de 1918, nous avons été avisés de l'attaque qui allait se produire. ( Applaudissements. )

M. Scheurer. Messieurs, je tiens à joindre ma voix à celle de M. le général Hirschauer pour soutenir son amendement et apporter mon témoignage aux militaires qu'il vise, à ces Alsaciens et à ces Lorrains qui, après avoir rejoint l'armée allemande la mort dans l'âme, ont su trouver la possibilité et ont montré le courage d'échapper à son étreinte. Leur souvenir évoque dans mon esprit celui de ces journées poignantes qui ont précédé la déclaration de guerre et le début des hostilités, journées pendant lesquelles nous avons vu se développer la mobilisation sournoise, clandestine, de l'empire allemand, qui convoquait par appels individuels un nombre de plus en plus grand de mobilisables. Je ne perdrai jamais la mémoire de ce 30 juillet 1914, où certains de ces mobilisés vinrent me dire : « Nous avons reçu l'ordre de rejoindre l'armée allemande. Nous devons être mis en route demain. Que devons-nous faire ? » Je leur répondis : « Si la guerre était certaine demain, mon avis serait bref et net, je vous dirais : « Suivez l'impulsion de votre cœur, jetez-vous dans la montagne et traversez la frontière. » ( Applaudissements. ) Mais des menaces comme celles qui pèsent sur nous aujourd'hui ont déjà existé à plusieurs reprises. Elles se sont dissipées. Qui dit que celles-ci ne se dissiperont pas également ? Alors, je vous aurais poussé à rompre vos relations de famille et à sacrifier vos biens. Je n'ose pas le faire. « D'ailleurs », — ajoutai-je, me rappelant les souvenirs de 1870, — « il vous sera bien facile, si c'est la guerre, un soir que vous serez aux avant-postes, de passer d'un bord à l'autre. » Je ne pensais à ce moment-là ni aux fils de fer ni aux tranchées ! Eh bien ! messieurs, l'un de ceux qui vinrent me trouver ce jour-là, moins de trois semaines plus tard — il avait le grade de sous-officier — occupant un village fortement bombardé par notre artillerie, et voyant, d'autre part, des troupes françaises s'approcher, persuada à ses hommes de venir se réfugier dans une cave. Aussitôt qu'ils y furent, il se dressa en haut de l'escalier étroit qui y donnait accès, les tint en respect avec son arme, et lorsque les premiers soldats français arrivèrent, il leur fit signe et leur livra 38 prisonniers. ( Très bien ! très bien ! )

M. Dominique Delahaye. Très bien ! Ce sont des héros de fidélité et de courage.

M. Scheurer. Un autre, moins heureux, avait écrit à sa mère : « Je ne sais plus comment je vis, j'aimerais mieux être mort, car la mort est préférable au tourment moral que je subis. » Et lorsque cette lettre parvint à sa mère il avait été tué en cherchant à franchir les lignes. Je ne veux pas, messieurs, abuser de votre attention mais, si vous me le permettez, je vous citerai un troisième exemple. Un jeune homme qui servait dans l'armée allemande était en permission de détente du côté d'Altkirch et n'avait pu prendre sur lui de rejoindre son régiment. Malheureusement, un réseau de fils de fer électrifiés l'enserrait de toutes parts. La nuit venue, il part et armé d'une cisaille, ayant pris la précaution d'engager les manches de la cisaille dans deux bouteilles pour éviter le contact mortel, il coupa les fils de fer électrifiés et traversa le réseau, emmenant avec lui son frère plus jeune qui était sur le point d'être appelé à son tour par les Allemands. ( Nouveaux applaudissements. ) Admettrez-vous, mes chers collègues, que des hommes qui ont donné ces exemples de courage et de civisme, ne portent pas sur leur poitrine la preuve des actes qu'ils ont accomplis ? ( Vifs applaudissements. )

M. Dominique Delahaye. Ce serait inadmissible.

M. le rapporteur. La commission accepte l'amendement.

M. le commissaire du Gouvernement. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le commissaire du Gouvernement.

M. le commissaire du Gouvernement. Messieurs, je suis obligé d'intervenir à nouveau, mais je ne voudrais pas qu'il puisse vous venir à la pensée que je veuille diminuer en rien le mérite des Alsaciens-Lorrains. Au nom du Gouvernement, au nom de M. le ministre de la guerre et des pensions, je rends ici un hommage ému à tous les Alsaciens-Lorrains qui, pendant la guerre, ont franchi les lignes ennemies ou passé les frontières des pays neutres pour venir s'engager dans les rangs français. Si cependant le Gouvernement a jugé qu'il n'y avait pas lieu de faire pour les Alsaciens-Lorrains une exception, c'est que, en son temps, l'attention du Gouvernement comme celle du commandant en chef avait été attirée sur les Alsaciens-Lorrains. Des instructions très larges avaient été données pendant la guerre pour que les titres des Alsaciens-Lorrains qui servaient sous nos drapeaux fussent examinés avec la plus grande bienveillance. De ce fait, de très nombreux Alsaciens-Lorrains, quel que fût le temps pendant lequel ils avaient servi dans la zone des armées et même s'ils n'y avaient pas servi, lorsqu'ils avaient accompli des actes remarquables, ont reçu la Croix de guerre. De ce fait, ils recevront la médaille de la Victoire.

M. le colonel Stuhl. Mais non !

M. le commissaire du Gouvernement. Je vous demande pardon ! Il est indiqué dans le projet que tous les militaires qui ont la Croix de guerre obtiendront nécessairement la médaille de la Victoire.

M. Dominique Delahaye. Oui, mais s'ils n'ont pas la Croix de guerre, ils seront victimes.

M. le commissaire du Gouvernement. Je ne veux diminuer en rien la valeur des Alsaciens-Lorrains : j'explique seulement pourquoi il n'avait pas paru utile de prévoir une disposition spéciale en leur faveur. S'ils n'ont pas reçu la Croix de guerre, mais s'ils ont servi dans les formations de la zone des armées ou d'opérations, non seulement du front européen mais des théâtres d'opérations extérieurs, Maroc, Afrique du Nord, Indo-Chine, etc., à la condition d'avoir séjourné dix-huit mois sur ces derniers théâtres d'opérations, ou trois mois seulement s'ils étaient dans des unités combattantes de ces théâtres d'opérations extérieurs, ils recevront obligatoirement la médaille de la Victoire. Par ailleurs, de très nombreux Alsaciens et Lorrains, que les circonstances ou le devoir avaient empêchés de quitter l'Alsace-Lorraine, avaient néanmoins rendu de très grands services à la cause des alliés, et pourtant ceux-là n'auront pas la médaille de la Victoire, puisqu'ils n'ont pas combattu ; alors il avait semblé que pour les autres, qui n'avaient pas combattu, inutile de faire une exception en leur seule faveur pour leur permettre d'avoir la médaille de la Victoire. Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement n'avait pas introduit dans son projet d'exception en faveur des Alsaciens-Lorrains. ( Très bien ! très bien ! et applaudissements. )

M. le général Hirschauer. Je demande que le sort réservé aux Alsaciens, et aux Lorrains ne soit pas inférieur à celui fait aux prisonniers de guerre, qui ont droit à la médaille de la Victoire sans condition de durée de présence dans une unité combattante, sauf opposition de l'autorité militaire. Il y a là un article que nous votons tous parce qu'il est rédigé dans un esprit de justice...

M. Dominique Delahaye. Napoléon 1er n'aurait pas autorisé cette exception !

M. le général Hirschauer. ...et de justice très bienveillante. Je n'ai pas besoin d'en dire plus long : en cette matière il y a des exceptions. Mais, parmi les Alsaciens et les Lorrains qui ont quitté les rangs allemands et qui ont supporté les dangers que M. Scheurer nous indiquait tout à l'heure, il n'y a pas d'exception : ils ont tous risqué leur peau. ( Très bien ! très bien ! )

M. le rapporteur. La commission a accepté l'amendement, son auteur nous le demandant avec insistance. Toutefois, je dois faire observer, pour les Alsaciens-Lorrains eux-mêmes, que tous ceux qui ont été mobilisés dans les armées allemandes ne sont pas venus servir en France : beaucoup d'autres, envoyés sur le front russe sont passés en Russie ; ces derniers cependant, ne recevront pas la médaille interalliée.

M. Gourju. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Gourju.

M. Gourju. Je viens apporter un souvenir personnel en faveur de 1'amendement : alors que M. Paul Jourdain, député du Haut-Rhin, ancien ministre du travail, était commandant militaire du territoire de Dannemarie, j'ai vu dans ses bureaux, trois de ces évadés Alsaciens-Lorrains : l'un d'eux était M. Neffe, aujourd'hui sous-préfet d'Altkirch, l'autre M. Paulin, secrétaire en chef du parquet de Colmar ; j'ai oublié le nom du troisième. Tous trois avaient échappé, au prix de périls invraisemblables, à cette captivité morale dans laquelle les Allemands les retenaient. Leur ancien chef leur rendrait certainement, s'il était encore ici comme ministre du travail, un témoignage mérité. ( Très bien ! très bien ! )

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?... Je consulte le Sénat sur l'amendement de MM. le général Bourgeois, le général Hirschauer, le lieutenant-colonel Stuhl et Scheurer. ( L'amendement est adopté. )

M. le président. Le texte que le Sénat vient d'adopter devient l'article 8 bis.
« Art. 9. — Le droit à la médaille est également acquis aux militaires qui ont été tués à l'ennemi ou qui sont morts des suites de blessures de guerre et à ceux, ayant appartenu aux unités énumérées à l'instruction, qui sont morts de maladies ou blessures contractées en service. Il appartient à leur famille de se procurer l'insigne à leurs frais. — ( Adopté. )
« Art. 10. — La médaille sera exécutée par voie de concours entre des artistes français, d'après le programme ci-après, qui a été arrêté de façon que les différentes médailles exécutées par chaque nation alliée ou associée soient d'un aspect aussi identique que possible :
a) La médaille sera en bronze, ronde et du module d'environ 36 millimètres ; sa couleur, sa patine, son épaisseur, ainsi que sa bélière, seront semblables à celles de la médaille commémorative de 1870 ;
b) L'avers représentera une victoire ailée, en pied, debout et au milieu de la médaille et de face ; le fond et les bords seront unis, sans aucune inscription, ni date ; la tranche sera également unie ;
c) Le revers portera l'inscription « La grande guerre pour la civilisation ». — ( Adopté. )
A ce texte M. Dominique Delahaye propose d'ajouter la disposition suivante : « Cette médaille servira également à orner l'insigne des blessés de guerre, mais dans ce cas le ruban auquel elle sera suspendue conservera ses couleurs distinctives, bleu, jaune et rouge ».
La parole est à M. Dominique Delahaye.

M. Dominique Delahaye. Messieurs, j'ai déposé sur ce projet de loi deux amendements. L'un vise l'article 10, et l'autre l'article 11. Avant de déposer le second, je suis entré en conversation avec des députés, qui m'ont dit qu'on l'aurait voté très volontiers à la Chambre, aussi bien que l'amendement que M. le général Bourgeois vient de faire adopter par le Sénat. Mais ce qui a empêché, m'a-t-on dit, le vote de cet amendement à la Chambre, c'est que, après deux années de retard, on avait voulu en finir promptement. Je sais donc que j'ai, à la Chambre des députés, des partisans à celui de mes amendements qui vise l'article 11. Quant à mon amendement à l'article 10, je vais moi-même en plaider la disjonction, quand j'en aurai exposé les raisons. J'espère que M. le rapporteur, qui l'a combattu, ne s'opposera pas à la disjonction. Voici les raisons que j'ai à faire valoir.
Depuis la fin de la guerre, nous avons vu la poitrine de ceux qui y avait pris part à des titres différents ornée, suivant le cas, d'un insigne blanc et rouge pour les mobilisés à l'intérieur, d'un insigne arc-en-ciel pour les combattants et mobilisés aux armées, d'un insigne rouge, jaune et bleu pour les blessés et malades de guerre. Successivement nous avons vu l'insigne des mobilisés à l'intérieur s'orner de la médaille de la grande guerre ; aujourd'hui nous décidons que l'insigne arc-en-ciel des mobilisés aux armées va s'orner de la médaille de la Victoire. Il ne reste en oubli que les plus intéressants de tous, ceux qui ont laissé quelque chose d'eux-mêmes aux ronces de la route qui conduisait à la victoire, les blessés de guerre. N'allons-nous rien faire pour eux ? Assurément si, et je vous demande de dire que la médaille dont nous décidons la création ornera leur insigne, cet emblème de leurs souffrances dont est née la victoire. N'est-il pas juste qu'ils aient, eux aussi, le droit de porter une médaille au bout de leur ruban, et ne comprenez-vous pas que cette médaille doit être celle de leur victoire ? (Approbation sur divers bancs. )
Mais « on ne pourrait d'ailleurs songer à suspendre à un ruban d'un ordre tout différent la « Médaille de la Victoire » qui a un autre caractère ou qui ferait double emploi », nous dit M. Ernest Cauvin, à la page 8 de son rapport. Qu'il me permette de lui répondre : L'insigne des blessés demeurerait, en France, le seul ruban sans médaille. Il ne fallait pas instituer ce ruban si l'on ne voulait pas y ajouter une médaille. Actuellement, on n'oserait le supprimer. Insigne des réformés ! » avez-vous écrit, cher rapporteur. Dites donc aux officiers ou aux sous-officiers de l'armée active que vous voyez porter fièrement l'insigne des blessés à côté de la Croix de guerre, dites-leur donc qu'ils sont des réformés ! Vous verrez quel accueil ils vous feront. ( Très bien ! ) Insigne peu utile, dites-vous encore. Ayez donc l'imprudence de le supprimer, et vous verrez quel tollé s'en suivra. Cela fera une médaille de plus, dites-vous encore. Quel inconvénient y voyez-vous ? Vous avez bien accordé la médaille de la Victoire même à ceux qui auront été mobilisés à l'intérieur et pendant un temps restreint ( Dénégations ) ; pourquoi ne pas donner aussi une médaille aux plus intéressants, à ceux qui portent l'insigne des blessés de guerre ? C'est d'ailleurs une solution que vous entrevoyez vous-même, monsieur le rapporteur, mais il ne peut s'agir, dites-vous, que d'une autre médaille. J'aurais préféré que ce fût la médaille interalliée dite médaille de la Victoire. Si vous y voyez une difficulté insurmontable, bornez-vous, je vous en prie, à demander la disjonction de cet amendement, afin que soit étudiée et mise au point la question de la médaille que les blessés de guerre pourront adjoindre à leur ruban et à leur insigne. Non seulement cela ne coûtera rien au Trésor, mais lui rapportera, au contraire, du fait de la vente de la médaille. Ainsi vous aurez satisfait nombre de braves gens et de gens braves. Disjoignez, étudiez et accordez ensuite cette médaille qui prouvera aux blessés de la guerre que le Sénat est heureux, lorsque l'occasion s'en présente, de leur témoigner sa sympathie, autrement qu'en paroles. ( Très bien ! très bien ! sur divers bancs. )

M. le rapporteur. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. le rapporteur. Messieurs, l'insigne des blessés et des malades n'avait pas été donné comme une récompense, c'était une constatation. A un certain moment, en effet, on voyait fréquemment des hommes jeunes qui étaient à l'arrière et l'on se demandait pourquoi ils n'étaient pas au front. C'est pour éviter les doutes qu'on leur a donné cet insigne qui, je le répète, n'était pas une récompense. Vous me permettrez de rappeler que M. Delahaye, lorsque nous avons institué la médaille de 1870, avait également demandé un signe distinctif pour les blessés. Je m'y suis opposé en disant que n'était pas blessé qui le voulait. On peut être blessé dans des circonstances très différentes et ce n'est pas toujours une preuve de courage que d'être blessé à la guerre. Evidemment c'est une preuve que l'on y était.

M. Le Barillier. Pas toujours !

M. le rapporteur. Il y en a qui s'y sont trouvés longtemps et qui pourtant n'ont pas cette preuve. Mais ils ne demandent rien. En tout cas, je vous le répète, vous ne pourriez pas mettre un insigne à une médaille qui a une autre portée que l'insigne lui-même. Quoi qu'il en soit la commission accepte la disjonction. ( Très bien ! )

M. Dominique Delahaye. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, ainsi que la commission. Je demande la disjonction pour que la question soit étudiée. Il ne faut pas que ceux qui sont blessés soient privés d'une distinction qu'on accorde à tout le monde. Un ruban sans médaille, ce n'est rien. ( Très bien ! très bien ! )

M. le président. S'il n'y a pas d'autre observation, je consulte le Sénat sur la demande de disjonction de la disposition additionnelle de M. Dominique Delahaye. ( Le Sénat a adopté. )

M. le président. L'article 10 demeure donc adopté dans le texte de la commission.
« Art. 11. — Le ruban, identique pour toutes les puissances alliées ou associées, figurera deux arcs-en-ciel juxtaposés par le rouge, avec, sur chaque bord, un filet blanc. »
Il y a, sur cet article, un amendement de M. Dominique Delahaye ainsi conçu : « Art. 11. — Ajouter à cet article les dispositions suivantes : « Le ruban sera orné d'une barrette en métal blanc portant les mots « engagé volontaire », pour tous ceux qui, vieux ou jeunes, dégagés de tout service militaire, ou non susceptibles d'appel dans les deux ans, se sont engagés au cours de la grande guerre. « Auront droit au port de la barrette d'engagé volontaire les officiers de complément qui, bien que libérés, dès le temps de paix, par leur âge, de toute obligation militaire, étaient restés volontairement dans les cadres de la réserve ou de la territoriale et ont servi à ce titre pendant la guerre. »
La parole est à M. Dominique Delahaye.

M. Dominique Delahaye. Cette fois-ci, messieurs, il ne s'agit plus de disjonction. Je vais vous convaincre ou je serai battu, mais j'aurais pour moi tous les intéressés. C'est de cet amendement qu'à la Chambre on avait dit vouloir voter des deux mains. Messieurs, si à la poitrine de notre rapporteur, qui est mon aîné, vous voyez à son éloge la barrette des engagés volontaires, c'est parce que votre très humble serviteur en a fait la proposition au Sénat. ( Très bien ! ) Un sénateur à gauche. C'est habile !

M. Dominique Delahaye. C'est moi qui ai, en effet, suggéré la barrette des engagés volontaires. Pourquoi ? J'avais un frère plus jeune que moi, j'avais vingt et un ans lors de la guerre, et mon frère était engagé volontaire. J'ai pu constater que mon frère Jules, qui est à son banc, a eu bien plus de mérite que moi-même. Il était engagé volontaire, il fallait qu'il eût quelque chose à quoi je n'avais pas droit. Et il s'est trouvé du même coup que j'obtenais pour M. Cauvin la barrette d'engagé volontaire. ( Nouvelle approbation. ) Pour ne pas me livrer à l'improvisation sur un sujet aussi grave, j'ai préparé quelques notes. Les voici : Messieurs, vous venez de décider par l'article 10, qu'il serait créé une médaille interalliée. Semblable décision a été prise avant vous par nos alliés de la grande guerre, et il a été décidé d'un commun accord entre eux et nous que le ruban figurerait deux arcs-en-ciel juxtaposés. Ce ruban doit être identique pour toutes les puissances combattantes, mais là s'arrête l'obligation d'uniformité. En effet, de par le premier alinéa de l'article 10, la médaille aura un caractère particulier pour chaque peuple, étant exécutée, en ce qui nous concerne, « par voie de concours entre des artistes français », sous la seule réserve que les différentes médailles soient d'un aspect à peu prés identique. En outre, tandis que nous n'accordons à nos nationaux que dans des conditions très restreintes le droit de porter cette médaille, les Américains, notamment, l'ont attribuée, on peut le dire, à tous ceux qui ont revêtu l'uniforme, à ceux qui ont été au front comme à ceux qui n'y ont jamais paru, aux infirmières de l'intérieur, aux dactylographes, etc. Ils ont, sur ce point, agi comme il leur a plu ; nous n'avons pas à le trouver mauvais. Mais, dans ces conditions, j'estime qu'il nous appartient de décider, sans qu'il puisse y avoir là matière à critique de leur part, que la barrette des engagés volontaires ornera le ruban de « tous ceux qui, jeunes ou vieux, dégagés de tout service militaire ou non susceptibles d'appel, dans les deux ans, se seront engagés au cours de la grande guerre : des officiers de complément qui, bien que libérés, dès le temps de paix, par leur âge, de toute obligation militaire, étaient restés volontairement dans les cadres de la réserve ou de la territoriale et ont servi à ce titre pendant la guerre ». Comment pourrait-il en être autrement, d'ailleurs ? Vous avez, en effet, à l'occasion de la médaille de la grande guerre, décidé, dans les termes que je viens de rapporter, que ceux qui pouvaient ne pas faire la guerre et qui ont eu le grand courage de s'arracher à leurs familles et à leurs occupations pour se dresser contre l'envahisseur auraient droit, comme leurs aînés de 1870, au port de la barrette d'engagé volontaire. Vous l'avez décidé pour les non-combattants, pour les mobilisés à l'intérieur ; allez-vous le refuser aujourd'hui aux combattants, à ceux qui, poussant le sacrifice plus loin encore que leurs camarades de l'intérieur, ont servi comme volontaires aux armées ? Allez-vous dénier à ceux qui, plus que tous autres, devraient être à l'honneur, le droit à une distinction que vous avez accordée à d'autres ? J'estime qu'en toute équité vous ne le pouvez pas. Cependant, M. Ernest Cauvin est d'un autre avis. Voyons les raisons qu'il en donne aux pages 8 et 9 de son rapport. Première raison : « Mais la question d'une barrette distinctive, qui pouvait se poser à propos de la médaille commémorative de la guerre, ne saurait être envisagée à propos de la médaille interalliée de la Victoire. Elle ne cadrerait pas avec le caractère de cette derrière, et, considération plus décisive encore, un grand nombre d'engagés volontaires se trouveraient exclus du bénéfice de la barrette. » Réponse : Non. Ils ont déjà la barrette de la médaille commémorative, s'ils n'ont pu aller à l'avant. Au contraire, on commettrait une injustice envers ceux qui, engagés volontaires, ayant servi aux armées, n'auraient pas la barrette qu'on a accordée aux volontaires de l'arrière moins intéressants qu'eux. Je continue. Voici la deuxième objection de M. Cauvin : « Beaucoup d'entre eux, en effet, n'ayant pu, en raison de leur âge, être utilisés dans la zone de l'avant, n'ont pas droit à la médaille interalliée. » S'ils n'ont pas droit à la médaille interalliée, ils n'ont évidemment pas droit à la barrette de cette médaille, qui ne leur est pas accordée, et ils ne sauraient s'en plaindre. Troisième argument de M. le rapporteur : « Il y aurait là une inégalité inadmissible qui suffirait, à notre avis, à faire écarter la disposition. » Réponse : l'inégalité existe déjà bien plus grande, puisque les engagés de l'intérieur n'ont que la médaille de la guerre, tandis que ceux qui ont pu être utilisés à l'avant ont, outre cette médaille, la médaille interalliée de la Victoire. De sorte que, les trois raisons données par M. le rapporteur ne portant pas, j'espère bien que le Sénat ne voudra pas les retenir. Et puis, enfin, il y a la boutonnière de notre collègue, qui proteste véhémentement contre son attitude. ( Sourires. ) Qu'on lui enlève donc sa barrette d'engagé volontaire de la petite guerre de 1870, s'il ne veut pas admettre qu'on la donne aux combattants de la grande guerre de 1914-1918. Cela est la logique même.

M. Le Barillier. Mais ils ont déjà cette barrette !

M. Dominique Delahaye. Messieurs, le jour de l'élection du président Deschanel, dans la salle du Congrès, je me suis trouvé à un moment le voisin de M. Millerand qui était, ce jour-là, d'ailleurs, flanqué de M. Mandel. J'ai dit à M. Millerand : « Nous avons deux œuvres communes l'assemblée des présidents de chambres de commerce et la barrette des engagés volontaires de 1870. En voulez-vous une troisième : la barrette de la dernière guerre ? » Il m'a répondu affirmativement. J'invoque, bien qu'il soit au Maroc, le témoignage de celui qui fut, ce jour-là, mon collaborateur pour la barrette de la seconde guerre et qui est la plus haute autorité de ce pays. S'il était ici, celui qui m'a donné son concours pour la seconde barrette ne me le refuserait pas pour la troisième.

M. Le Barillier. Combien voulez-vous de barrettes ?

M. Dominique Delahaye. Il faut rendre hommage aux engagés volontaires.

M. Le Barillier. Ils auront la médaille commémorative !

M. Dominique Delahaye. Ils auront deux médailles alors. Vos objections tomberont lorsque vous aurez lu mes notes. Tous ceux qui peuvent avoir la médaille de la grande guerre n'auront pas nécessairement la médaille commémorative française. Quant aux engagés volontaires, s'ils ont deux médailles y voyez-vous des inconvénients ? Ce que vous avez accepté pour la médaille française, pourquoi le repoussez-vous pour la médaille interalliée ? C'est un titre de gloire que d'être engagé volontaire. A une époque où la France a besoin de tant d'engagés volontaires, allez-vous discutailler sur cette question, au lieu de stimuler ceux qui viennent d'eux-mêmes à la défense de la patrie ? Y a-t-il quelque chose de plus beau que de voler spontanément, quand on est trop jeune ou quand on est hors d'âge pour être appelé par la loi, au secours de son pays ? Allez-vous marchander à propos de récompenses qui ne peuvent que développer l'amour de la patrie ? Il ne faut pas refuser cela, il ne faut pas repousser cela : ce serait parler contre la patrie. Je vous en prie, ne repoussez pas cet amendement, vous auriez contre vous tous les engagés volontaires de France. ( Applaudissements sur divers bancs. )

M. le rapporteur. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. le rapporteur. Si la barrette n'avait pas pu être donnée à tous ceux qui pouvaient y avoir droit, je ne l'aurais pas portée ; d'ailleurs je ne la porte plus ; je l'ai portée pendant la guerre, je me contente maintenant d'un simple filet blanc dans le ruban de 1870. Il ne s'agit pas ici d'une médaille commémorative ; mais d'une médaille spéciale. Nous ne pouvons pas imposer aux alliés les conditions qui nous sont propres. Pour notre médaille commémorative, qui est identique à celle de 1870, ayez une barrette, c'est tout naturel, mais, en ce qui concerne la médaille interalliée, vous ne pouvez pas accorder un insigne particulier à nos nationaux. Il n'y a donc pas lieu de mettre la barrette dans la médaille interalliée. ( Très bien ! très bien ! — Aux voix ! aux voix ! )

M. Dominique Delahaye. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Dominique Delahaye.

M. Dominique Delahaye. Je vois avec regret que je n'ai pas pu convaincre notre honorable collègue M. le rapporteur Ernest Cauvin. Encore une fois, nous n'imposons rien aux alliés par mon amendement. Nous mettons sur le ruban de la médaille le signe des engagés volontaires, mais nous n'obligeons pas nos alliés à nous imiter, de même que nous ne les obligeons pas à prendre le dessin de la médaille que par concours vous allez faire frapper. ( Très bien ! ) Il n'y a aucune prescription en ce qui concerne la forme et le dessin, dont les alliés devraient cependant se rapprocher ; seules, sont obligatoires les couleurs de la médaille interalliée. Quant à sa distribution, je vous ai montré, par l'exemple des Etats-Unis, qu'on est plus large dans ce pays qu'en France. Par conséquent, toutes les raisons qu'on a données contre le signe d'engagé volontaire ne portent pas et vous allez mécontenter beaucoup de gens, car parmi ceux qui ont reçu la médaille de la grande guerre tous n'auront pas droit à la médaille de la Victoire. Il faut se montrer généreux, toutes les fois que l'occasion s'en présente. Monsieur le rapporteur, ce beau titre dont vous vous honorez et dont vous portez la marque à la boutonnière doit être aussi accordé aux engagés volontaires de la grande guerre. Il ne serait pas digne de vous de refuser aux autres le signe que vous avez fièrement gagné et que vous portez à juste titre à votre boutonnière. ( Approbation sur divers bancs. )

M. le commissaire du Gouvernement. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le commissaire du Gouvernement.

M. le commissaire du Gouvernement. Messieurs, je me permets de vous demander de repousser l'amendement qui vous est proposé. Cet amendement, en effet, reprend d'une façon absolument identique les deux derniers alinéas de 1'article 3 de la loi instituant une médaille dite « médaille commémorative interalliée de la grande guerre ». Je lis ces deux alinéas : « Le ruban sera orné d'une barrette en métal blanc portant les mots « engagé volontaire », pour tous ceux qui, vieux ou jeunes, dégagés de tout service militaire, ou non susceptibles d'appel dans les deux ans, se seront engagés au cours de la grande guerre. « Auront droit au port de la barrette d'engagé volontaire les officiers de complément qui, bien que libérés, dès le temps de paix, par leur âge, de toute obligation militaire, étaient restés volontairement dans les cadres de la réserve ou de la territoriale et ont servi à ce titre pendant la guerre. » En conséquence, si le but poursuivi est de donner un insigne distinctif à tous les engagés volontaires, ce but est déjà atteint. Il ne nous paraît donc pas utile de donner à ces mêmes engagés volontaires l'autorisation de porter une seconde barrette sur un autre ruban, d'autant plus qu'il s'agit, comme l'a fait remarquer l'honorable rapporteur, d'une médaille interalliée. L'insigne doit être semblable pour toutes les nations alliées, non seulement par le ruban, mais aussi par la médaille elle-même. Le projet de loi indique du reste : « L'avers représentera une victoire ailée, en pied, debout et au milieu de la médaille et de face ; le fond et les bords seront unis, sans aucune inscription, ni date ; la tranche sera également unie ; Le revers portera l'inscription « La grande guerre pour la civilisation ». La médaille est semblable dans ces conditions pour toutes les nations. Sans doute, l'artiste qui fera la médaille française ne représentera pas la victoire comme l'artiste anglais, mais ce sera toujours une victoire debout. ( Très bien ! )

M. Le Barillier. C'est évident.

M. Dominique Delahaye. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Dominique Delahaye.

M. Dominique Delahaye. Messieurs, M. le commissaire du Gouvernement vous a lu deux articles dont je suis l'auteur. Vous pensez bien que ce que j'ai fait adopter, je ne vais pas le combattre. Je l'ai fait adopter grâce au concours de M. Millerand, pour la médaille de 1870, comme pour celle de la grande guerre. Puisque vous donnez une médaille interalliée et une médaille de la grande guerre, pourquoi n'acceptez-vous pas la barrette pour l'une comme pour l'autre ? Vous savez bien, au surplus, que tous ceux qui auront l'une n'auront pas nécessairement l'autre. Il y aura donc des engagés volontaires qui seront privés du signe distinctif, et c'est contre cela que je m'élève. Qui vous dit, monsieur le commissaire du Gouvernement, que les alliés ne nous imiteront pas et qu'une fois de plus le bon exemple ne partira pas de France ? Il faudra bien qu'un jour la langue diplomatique soit de nouveau la langue française, car les imprécisions de la langue anglaise nous ont valu trop de mésaventures. De même, en ce qui concerne la barrette, il faut que cette idée soit réalisée pour que nos alliés puissent dire un jour : c'est de France que nous est venue cette initiative qui nous fait tant honneur. Vous serez applaudis, messieurs, pour avoir pris cette décision. Du reste, rien ne dit dans le texte que vous n'avez pas le droit d'ajouter cette barrette. Ce n'est donc pas là une objection qui puisse faire sérieusement écarter la proposition que je soutiens. Songez bien, au surplus, monsieur le commissaire du Gouvernement, que probablement, les députés qui m'ont promis leur concours reprendront mon amendement. Ils m'ont déclaré qu'ils étaient sûrs de le faire voter ; ils n'ont pas voulu, lorsque le projet a été adopté à la Chambre, retarder le vote de la loi, mais ils savaient parfaitement qu'elle reviendrait devant eux parce que le Sénat adopterait l'amendement Bourgeois : ils ne savaient pas qu'il y aurait aussi un amendement de M. Stuhl. Ce n'est donc pas moi qui retarde le vote de la loi, c'est vous ! La Chambre bleu horizon ne va pas permettre que vous berniez les engagés volontaires de la grande guerre. Cette question vous reviendra une seconde fois, de sorte que vous, qui vouliez aller vite, vous êtes en train de monter une fois de plus sur le chariot mérovingien. C'est moi qui suis pour accélérer le mouvement et c'est vous, commissaire du Gouvernement, c'est vous rapporteur de la commission, qui le retardez. Votez mon amendement parce qu'il est juste ; vous n'avez pas à demander la permission aux alliés pour leur fournir un exemple dont ils vous sauront gré et dont ils vous remercieront. ( Très bien ! très bien ! )

M. le président. Je consulte le Sénat sur l'amendement de M. Dominique Delahaye, repoussé par la commission et par le Gouvernement. ( L'amendement n'est pas adopté. )

M. le président. S'il n'y a pas d'autre observation sur l'article 11, je le mets aux voix. ( L'article 11 est adopté. )

M. le président. « Art. 12. — Tiendront lieu de diplôme et donneront aux intéressés le droit de porter l'insigne, qu'ils devront se procurer à leurs frais : a) L'autorisation provisoire du port du ruban de la médaille de la Victoire prévue par l'instruction ministérielle du 2 novembre 1919 ; b) L'autorisation du port de la médaille qui sera délivrée, dans les mêmes conditions, aux ayants droit ou à leur famille qui ne seraient pas déjà en possession d'une autorisation provisoire. » — ( Adopté. )
« Art. 13. — N'auront pas droit au port de la médaille les militaires ou civils qui en auront été reconnus indignes, à la suite de condamnations sans sursis, au cours de la campagne, pour faits qualifiés « crimes » par le code de justice militaire. » — ( Adopté. )
« Art. 14. — Une instruction établie par chaque département ministériel fixera les conditions d'application de la présente loi. » — ( Adopté. )
« Art. 15. — Il est ouvert au ministre de la guerre et des pensions en addition aux crédits ouverts par la loi de finances du 31 décembre 1921 et par des lois spéciales pour les dépenses du budget général de l'exercice 1922, un crédit supplémentaire de 10,500 fr. qui sera inscrit à la 5e section « dépenses exceptionnelles résultant des hostilités » et au chapitre E 31 du budget de son département : « Décorations diverses au titre de la guerre. — Diplômes d'honneur pour les familles des militaires morts pour la patrie. » « Il sera pourvu au crédit ci-dessus au moyen des ressources du budget général de l'exercice 1922. » — ( Adopté. )
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi. Il va être procédé au scrutin. ( Les votes sont recueillis. — MM. les secrétaires en opèrent le dépouillement. )

M. le président. Voici, messieurs, le résultat du scrutin : Nombre des votants = 290 ; Majorité absolue = 146 ; Pour = 290.
Le Sénat a adopté.

 

 

 

Défilé des fêtes de la Victoire - 14 juillet 1919
par Bombled

 

 

 


 

 

 

TEXTES OFFICIELS

( Liste non exhaustive )

Source :
Bibliothèque nationale de France

 

 

DÉCRET du 29 octobre 1919
autorisant le port du ruban de la médaille interalliée
dite « Médaille de la Victoire »

J.O. du 31 octobre 1919 - Page 12148

 

 

RAPPORT AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Monsieur le Président,
Un accord est intervenu entre les gouvernements alliés et associés sur le principe de la création d'une médaille commémorative commune, qui serait la marque tangible de la participation fraternelle à la grande guerre des combattants des différentes nations.
Or, le projet de loi déposé sur le bureau de la Chambre des députés, le 17 juin dernier, pour réaliser en France la création de cette médaille interalliée qui doit recevoir le nom de « médaille de la victoire » n'a pu être voté par le Parlement avant la clôture de la session.
La commission de l'armée de la Chambre des députés a, par suite, exprimé le désir de voir autoriser, par un décret, les bénéficiaires de cette future médaille à en porter le ruban, en attendant sa création et la distribution des insignes et des brevets.
Le projet de décret ci-joint, a pour but de réaliser cette mesure.
Si vous en approuvez les dispositions, j'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien le revêtir de votre signature.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'hommage de mon respectueux dévouement.

Paris, le 28 octobre 1919.

Georges Clemenceau.

*****

DÉCRET

Le Président de la République française,
Sur le rapport du président du conseil, ministre de la guerre,

Décrète :

Art. 1er. — En attendant la création, par une loi, d'une médaille commémorative interalliée de la grande guerre, dite « médaille de la victoire », les bénéficiaires indiqués à l'article 2 ci-après pourront en porter le ruban, soit sur l'uniforme, soit sur les vêtements civils.
Ils se procureront ce ruban à leurs frais.

Art. 2. — L'autorisation est dès à présent accordée :
1° A tout militaire français ou indigène des colonies françaises ou pays de protectorat ayant fait partie, pendant trois mois au moins, d'une unité réputée combattante.
Les unités et formations devant être considérées comme unités combattantes seront énumérées dans une instruction ministérielle, qui déterminera les détails d'application du présent décret et les conditions de la régularisation de l'autorisation visées ci-dessus.
Le délai minimum de trois mois ne sera pas exigé dans le cas où l'intéressé aura été évacué pour blessure ou maladie provenant du service.
La même dispense sera accordée aux militaires prisonniers de guerre à la suite de blessure ou ayant obtenu une citation pour un acte de courage accompli au moment de la capture ;
2° A tout marin ayant servi au moins trois mois dans une des unités combattantes qui seront énumérées par une instruction ministérielle ;
3° Aux infirmières ou infirmiers civils avant servi dans les mêmes conditions ;
4° S'ils n'ont pas acquis de droit à la médaille dans leur pays d'origine, aux étrangers ( militaires ou civils ) ayant servi directement sous les ordres du commandement français pendant trois mois, dans des unités ou formations qui seront énumérées dans l'instruction ministérielle, dans les mêmes conditions qu'aux militaires français.

Art. 3. — Le ruban de la médaille, identique pour tous les pays alliés ou associés, figurera deux arcs-en-ciel juxtaposés par le rouge, avec, sur chaque bord, un filet blanc.

Art. 4. — Ne seront pas autorisés à porter le ruban les intéressés reconnus indignes à la suite de condamnation sans sursis au cours de la campagne, pour faits qualifiés crimes par le code de justice militaire, et non rétablis dans leurs droits par l'amnistie.

Fait à Paris, le 29 octobre 1919.

R. Poincaré.

Le président du conseil, ministre de la guerre, Georges Clemenceau.
Le ministre de la marine, Georges Leygues.
Le ministre des colonies, Henry Simon.

 

 

 


 

 

 

INSTRUCTION du 2 novembre 1919
pour l'application du décret autorisant le port
du ruban de la médaille interalliée, dite médaille de la Victoire

J.O. du 4 novembre 1919 - Page 12322

 

 

Paris, le 2 novembre 1919.

La présente instruction a pour objet d'énumérer les unités et formations devant être considérées comme unités combattantes, pour le droit au port du ruban de la médaille de la Victoire et de préciser, en outre, quelques détails d'application.
Les ayants droit visés au paragraphe 1 ci-après pourront le porter immédiatement.
L'autorisation officielle leur sera délivrée ultérieurement, sur leur demande, par les autorités énumérées au paragraphe 2, auprès desquelles ils auront à se mettre en instance, dès que possible, en produisant tous les renseignements utiles.
Des imprimés de demandes seront déposés, à cet effet, dans les mairies et dans les corps.

§ 1. — Ayants droit.

Les tableaux I, II et III annexés à la présente instruction donnent la liste détaillée des unités dans lesquelles il est nécessaire d'avoir servi aux armées en campagne.
Les règles établies pour déterminer le droit à la prime supplémentaire de démobilisation, au taux mensuel de 20 fr., peuvent servir de guide utile en ce qui concerne le droit au ruban, notamment pour le décompte de la durée des services aux armées, mais pour autant que ces règles ne sont pas contraires aux dispositions du décret du 29 octobre 1919 ou de la présente instruction.

§ 2. — Autorités chargées de recevoir les demandes, d'établir et de délivrer les autorisations.

1° Militaires sous les drapeaux.

a) Officiers généraux : ministère de la guerre ( cabinet du ministre, 3e bureau ).
b) Corps de troupes, états-major et services : chef de corps ou de service.

2° Militaires rendus à la vie civile.

a) Officiers généraux : ministère de la guerre ( cabinet du ministre, 3e bureau ).
b) Corps de troupes : conseil d'administration siégeant au dépôt du dernier corps d'affectation.
c) Etats-majors et services : général commandant la région ( dernière région de rattachement ).

3° Etrangers et personnes n'ayant pas servi en qualité de militaire.

a) Personnes ayant servi dans les formations sanitaires : sous-secrétaire d'Etat du service de santé.
b) Autres personnes : ministère de la guerre ( état-major de l'armée ou directions d'armes intéressées ).
Les autorités énumérées ci-dessus établiront sur papier libre, au fur et à mesure de la réception des demandes et de la constatation des droits, les autorisations officielles ( du modèle joint à la présente instruction ) et les remettront ou les feront parvenir directement aux intéressés, sans délai.

§ 3. — Cas litigieux, réclamations.

Sauf pour les officiers généraux et les autres personnes visées ci-dessus auxquelles les autorisations seront délivrées par le ministre de la guerre ou le sous-secrétaire d'Etat du service de santé, tous les cas litigieux et les réclamations devront être soumis aux généraux commandant les régions ( ou territoires assimilés ) qui statueront définitivement.

Remarque de France-phaléristique : Les tableaux I, II et III annexés à la présente instruction sont à voir sur le Journal officiel du 4 novembre 1919 ( pages 12323 à 12328 ) ; ainsi que l'erratum paru au Journal officiel du 15 novembre 1919, pages 12858 et 12859.

 

 

 


 

 

 

INSTRUCTION du 20 novembre 1919
relative à l'application à la marine du décret du 29 octobre 1919,
autorisant le port du ruban de la médaille interalliée, dite médaille de la Victoire

J.O. du 23 novembre 1919 - Page 13288

 

 

Paris, le 20 novembre 1919.

La présente instruction a pour objet d'énumérer les unités et formations de la marine devant être considérées comme unités combattantes, pour le droit au port du ruban de la médaille de la Victoire et de préciser, en outre, quelques détails d'application.
Les ayants droit visés au paragraphe 1er ci-après pourront le porter immédiatement.
L'autorisation officielle leur sera délivrée ultérieurement, sur leur demande, par les autorités énumérées au paragraphe 2, auprès desquelles ils auront à se mettre en instance, dès que possible, en produisant tous les renseignements utiles.

I. — Ayants droit.

A droit au port du ruban de la « médaille de la victoire », toute personne ayant servi pendant au moins trois mois dans les unités combattantes de la marine, énumérées par l'instruction ministérielle du 27 mars 1919 ( B. O. ) savoir :
Bâtiments de guerre et de commerce naviguant effectivement ( en principe, les bâtiments de commerce non pourvus d'un armement défensif ne seront pas réputés unités combattantes ) ;
Formations coopérant aux actions militaires des armées de terre françaises ou alliées, et celles participant à terre à des opérations propres de guerre, tant dans la métropole qu'à l'extérieur ;
Les services placés sous les ordres du vice-amiral commandant en chef la marine dans la zone des armées du Nord ;
Les bases navales hors de la métropole, de la Corse, de l'Algérie et de la Tunisie ;
Les points d'appui de la flotte ;
Les Centres d'aviation, d'aérostation et de captifs de la Tunisie, de la Méditerranée orientale, de l'Adriatique et de la côte occidentale d'Afrique ;
Les missions militaires près des armées alliées.
Les règles établies par l'instruction du 27 mars 1919, précitée, pour déterminer le droit à la prime supplémentaire de démobilisation au taux mensuel de 20 fr., pourront servir de guide utile en ce qui concerne le droit au ruban, notamment pour le décompte du temps de présence effective dans les unités combattantes, mais pour autant que ces règles ne sont pas contraires au décret du 29 octobre 1919 ou à la présente instruction.

II. — Autorités chargées de recevoir les demandes, d'établir et de délivrer les autorisations.

§ 1erOfficiers et marins présents au service.

a) Officiers généraux : ministère de la marine ( bureau qui administre le corps dont l'intéressé fait partie ).
b) Officiers supérieurs et subalternes, personnel non officier : le commandant du dépôt ou bâtiment, le chef du service ou du corps auquel appartient l'intéressé.

§ 2 – Officiers et autres rendus à la vie civile.

a) Officiers généraux : ministère de la marine ( bureau qui administre le corps dont l'intéressé fait partie ).
b) Officiers supérieurs et subalternes : le commissaire, chef du service de la solde du dernier port d'attache.
c) Commissaires auxiliaires du chiffre : commissaire, chef du service de la solde, à Cherbourg.
d) Personnel non officier : le commandant du dépôt d'immatriculation ou l'administrateur du quartier d'inscription de l'intéressé.

§ 3 – Officiers auxiliaires et personnels des bâtiments de commerce.

a) Officiers auxiliaires : l'administrateur de leur quartier d'inscription.
b) Inscrits maritimes faisant partie de l'état-major ou de l'équipage : l'administrateur de leur quartier d'inscription.
c) Agents du service général : l'administrateur de leur quartier d'immatriculation.

§ 4 – Personnel ne rentrant pas dans les trois catégories ci-dessus.

Les personnes ayant servi à bord des navires-hôpitaux ou dans les formations sanitaires de la marine à terre, les militaires de l'armée de terre détachés dans les unités combattantes de la marine, et tous autres ayants droit ne rentrant pas dans les trois premières catégories adresseront leur demande au ministre de la marine ( bureau des corps et agents divers ).
Les autorités énumérées ci-dessus établiront, sur papier libre, au fur et à mesure de la réception des demandes et de la constatation des droits, les autorisations officielles ( du modèle joint à la présente instruction ) et les remettront ou les feront parvenir directement aux intéressés.

III. — Cas litigieux. – Réclamations.

Sauf pour les officiers généraux et les autres personnes visées ci-dessus, auxquelles les autorisations seront délivrées par le ministre de la marine, tous les cas litigieux et les réclamations devront être soumis aux préfets maritimes, qui statueront définitivement.

 

 

 


 

 

 

DÉCRET du 17 octobre 1921
portant retrait d'un projet de loi

J.O. du 22 octobre 1921 - Débats parlementaires - Chambre des députés - Page 3619

 

 

Le Président de la République française,
Sur la proposition du ministre de la guerre, du ministre de la marine, du ministre des colonies et du ministre des finances,

Décrète :

Art. 1er. — Est retiré le projet de loi tendant à instituer une médaille commémorative interalliée de la guerre, dite « médaille de la Victoire », déposé à la Chambre des députés le 19 décembre 1919.

Art. 2. — Le ministre de la guerre, le ministre de la marine, le ministre des colonies et le ministre des finances sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.

Fait à Paris, le 17 octobre 1921.

A. Millerand.

Par le Président de la République :
Le ministre de la guerre, Louis Barthou.
Le ministre de la marine, Guist'hau.
Le ministre des pensions, ministre des colonies par intérim, Maginot.
Le ministre des finances, Paul Doumer.

 

 

 


 

 

 

LOI du 20 juillet 1922
instituant une médaille commémorative interalliée de la guerre
dite « Médaille de la Victoire »

J.O. du 23 juillet 1922 - Page 7710

 

 

Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Art. 1er. — Il est créé une médaille commémorative interalliée, dite « Médaille de la Victoire ».

Art. 2. — Cette médaille est accordée, sous réserve de trois mois de présence, consécutifs ou non, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918 :
a) A tous les militaires ayant appartenu à une des unités énumérées dans une instruction ministérielle établie en tenant compte des tableaux annexés à la présente loi et ayant servi dans la zone des armées des théâtres du Nord et du Nord-Est ou dans la zone d'opérations des théâtres extérieurs ;
b) A tous les marins ayant servi dans une des unités énumérées dans une instruction ministérielle ;
c) Aux infirmiers et infirmières civils ayant fait partie, dans les mêmes conditions, des formations qui seront énumérées dans les instructions visées ci-dessus et seulement pour les périodes durant lesquelles ces formations ont pu s'acquérir des titres à la médaille ;
d) S'ils n'ont pas acquis de droits à la médaille dans leur pays d'origine, aux étrangers ( militaires et civils ) ayant servi directement, sous les ordres du commandement français, dans les unités ou formations énumérées dans les instructions ministérielles, dans les mêmes conditions qu'aux militaires français et sous réserve de l'approbation des Gouvernements étrangers intéressés.

Art. 3. — La médaille est également accordée aux maréchaux et officiers généraux ayant commandé, pendant trois mois au moins, une unité, même supérieure au corps d'armée.

Art. 4. — Le droit à la médaille, sans condition de délai, est étendu aux jeunes gens de la classe 1919 et à ceux marchant avec cette classe qui ont été envoyés en renfort, avant l'armistice, dans les formations énumérées dans les instructions ministérielles précitées.

Art. 5. — Le temps passé dans les lignes ennemies par le personnel militaire du service de santé, tombé aux mains de l'ennemi en assurant ses fonctions près des blessés, compte dans le délai de trois mois exigé pour les ayants droit.

Art. 6. — La médaille est également accordée, sous réserve de dix-huit mois de présence, consécutifs ou non, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918, dans la zone des armées des théâtres du Nord et du Nord-Est ou dans la zone d'opérations des théâtres extérieurs :
a) A tous les militaires et marins ;
b) Aux infirmiers et infirmières civils ayant servi dans les mêmes conditions ;
c) S'ils n'ont pas acquis des droits à la médaille dans leur pays d'origine, aux étrangers ( militaires et civils ) ayant servi directement sous les ordres du commandement français et sous réserve de l'approbation des Gouvernements étrangers intéressés.

Art. 7. — Aucun délai de séjour n'est exigé des militaires ayant reçu la croix de guerre ou ayant été évacués pour blessure de guerre, ni pour ceux ayant fait partie des unités énumérées dans les instructions visées à l'article 2, qui ont été évacués pour maladies ou blessures contractées en service, ni pour les engagés volontaires en vertu de la loi du 13 août 1915 ayant servi dans la zone des armées et ayant été réformés pour blessures ou maladies contractées dans le service.

Art. 8. — Les prisonniers de guerre ont droit à la médaille de la Victoire sans condition de durée de présence dans une unité combattante, sauf opposition motivée de l'autorité militaire.

Art. 9. — La médaille de la Victoire sera accordée aux Alsaciens et Lorrains engagés volontaires qui ont appartenu pendant une durée quelconque à une unité combattante, et à ceux qui justifieront avoir déserté les rangs allemands, même s'ils n'ont pas été, après leur engagement, affectés à une unité combattante.

Art. 10. — Le droit à la médaille est également acquis aux militaires qui ont été tués à l'ennemi ou qui sont morts des suites de blessures de guerre et à ceux ayant appartenu aux unités énumérées à l'instruction, qui sont morts de maladies ou blessures contractées en service. Il appartient à leur famille de se procurer l'insigne à leurs frais.

Art. 11. — La médaille sera exécutée par voie de concours entre des artistes français, d'après le programme ci-après, qui a été arrêté de façon que les différentes médailles exécutées par chaque nation alliée ou associée soient d'un aspect aussi identique que possible :
a) La médaille sera en bronze, ronde et du module d'environ trente-six millimètres ; sa couleur, sa patine, son épaisseur, ainsi que sa bélière, seront semblables à celles de la médaille commémorative de 1870 ;
b) L'avers représentera une Victoire ailée, en pied, debout et au milieu de la médaille et de face ; le fond et les bords seront unis, sans aucune inscription ni date ; la tranche sera également unie ;
c) Le revers portera l'inscription « La grande guerre pour la civilisation ».

Art. 12. — Le ruban, identique pour toutes les puissances alliées ou associées, figurera deux arcs-en-ciel juxtaposés par le rouge, avec, sur chaque bord, un filet blanc.

Art. 13. — Tiendront lieu de diplôme et donneront aux intéressés le droit de porter l'insigne, qu'ils devront se procurer à leurs frais :
a) L'autorisation provisoire du port du ruban de la médaille de la Victoire prévue par l'instruction ministérielle du 2 novembre 1919 ;
b) L'autorisation du port de la médaille qui sera délivrée, dans les mêmes conditions, aux ayants droit ou à leur famille qui ne seraient pas déjà en possession d'une autorisation provisoire.

Art. 14. — N'auront pas droit au port de la médaille les militaires ou civils qui en auront été reconnus indignes, à la suite de condamnations sans sursis, au cours de la campagne, pour faits qualifiés « crimes » par le code de justice militaire.

Art. 15. — Une instruction, établie par chaque département ministériel, fixera les conditions d'application de la présente loi.

Art. 16. — Il est ouvert au ministre de la guerre et des pensions, en addition aux crédits ouverts par la loi de finances du 31 décembre 1921 et par des lois spéciales pour les dépenses du budget général de l'exercice 1922, un crédit supplémentaire de dix mille cinq cents francs (10,500 fr.), qui sera inscrit à la cinquième section « Dépenses exceptionnelles résultant des hostilités », et au chapitre E XXI du budget de son département : Décorations diverses au titre de la guerre. - Diplômes d'honneur pour les familles des militaires morts pour la Patrie.
Il sera pourvu au crédit ci-dessus au moyen des ressources du budget général de l'exercice 1922.

La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l'État.

Fait à Rambouillet, le 20 juillet 1922.

A. Millerand.

Le ministre de la guerre et des pensions, Maginot.
Le ministre de la marine, Raiberti.
Le ministre des colonies, A. Sarraut.
Le ministre des finances, Ch. de Lasteyrie.

 

 


 

 

TABLEAUX ANNEXÉS

 

 

Liste des formations de l'armée de terre dont le personnel a droit à la médaille de la Victoire au bout de trois mois. (1)

I — Théâtres d'opérations du Nord et du Nord-Est.

I. Tout le personnel faisant partie organiquement des formations suivantes :
Corps d'armée et corps de cavalerie,
Division isolée ( division d'infanterie et division de cavalerie ),
Brigade indépendante ( d'infanterie ou de cavalerie ), et tous groupements permanents ou provisoires correspondants.
En conséquence ont droit à la médaille tous les services rattachés aux quartiers généraux, désignés ci-contre :
Service de santé ;
Intendance ;
Service vétérinaire ;
Trésor et postes ;
Prévôté ;
Justice militaire.

II. Tout le personnel faisant partie des formations suivantes :

Infanterie.

Régiments et bataillons type combattant ( actif, anciennement de réserve, territoriaux, indigènes ).
Bataillons territoriaux type pionniers.
Bataillons territoriaux type travailleurs.
Bataillons et compagnies de mitrailleuses en position.
Compagnies territoriales de secteur.
Détachements de récupération.

Cavalerie.

Unités actives et de réserve montées et non montées.
Groupes d'auto-mitrailleuses et d'auto-canons auto-mitrailleuses.

Artillerie.

Régiments, groupes, batteries, sections, pièces, unités de ravitaillement en munitions ( échelons, colonnes légères, sections de munitions d'infanterie, sections de munitions d'artillerie, sections de repérage par le son, sections de repérage par observatoires terrestres ).
Unités de voie de 0 m. 60.

Génie.

Compagnies de mineurs.
Compagnies Z dites spéciales.
Compagnies Mascart-Dessoliers.
Compagnies Schilt, dites de lance-flammes.
Compagnies d'électriciens.
Compagnies de pontonniers.
Compagnies de sapeurs télégraphistes et radiotélégraphistes ( télégraphie de première ligne ).
Compagnies de sapeurs de chemins de fer.
Sections de projecteurs de division, de corps d'armée et d'armée.
Section de camouflage.

Aéronautique.

Aviation. – Escadrilles. – Personnel navigant de toutes autres formations.
Aérostation. – Compagnies d'aérostiers ( observateurs et personnels de manœuvre )
Equipages de ballons dirigeables.

Chars de combat.

Toute formation de chars de combat ( à l'exclusion des parcs ).

Train des équipages.

Unités de transports hippomobiles.
Convois administratifs.
Compagnies de muletiers et d'âniers.

Services d'autos.

Sections sanitaires automobiles.

II. — Armée d'Orient.

1° Tout le personnel faisant partie des formations diverses qui seront énumérées dans l'instruction ministérielle.
2° Les missions militaires près de l'armée serbe ;
Les missions militaires près des contingents albanais ;
Les missions militaires de réorganisation de l'armée grecque ;
Les missions militaires d'Albanie ( 1er échelon seulement, y compris le service automobile ) ;
Les missions militaires employées dans les formations de la 2e division russe.

III. — Palestine – Syrie.

1° Tout le personnel faisant partie des formations diverses qui seront énumérées dans l'instruction ministérielle.
2° Mission militaire française d'Egypte.

IV. — Russie – Sibérie – Roumanie.

1° Tout le personnel faisant partie des formations diverses qui seront énumérées dans l'instruction ministérielle.
2° Missions en Russie, au Caucase, Sibérie et Roumanie.

V. — Sud-Tunisien et Sud-Algérien.

Tout le personnel faisant partie des formations diverses qui seront énumérées dans l'instruction ministérielle.

VI. — Maroc.

Tout le personnel faisant partie des formations stationnées dans la 2e zone ou ayant appartenu à des groupes d'opérations qui seront énumérés dans l'instruction ministérielle.

VII. — Cameroun.

Tout le personnel ayant pris part au corps expéditionnaire et aux colonnes ayant coopéré au Cameroun du 18 août 1914 au 22 février 1916.

VIII. — Afrique occidentale française.

Tout le personnel ayant pris part aux colonnes opérations ayant eu lieu dans le Bélédougou, Bani-Volta, le Dori, le Gombou-Aoualata, le Hollidjé et l'Atacora ( Dahomey ), du Mono, contre les Oulliminden, contre les Touaregs de l'Aïr, dans les cercles de Ouagadougou, Dédougou, Garoua, Bobo-Dioulasso, Koutiala, Bandiagara et de San.

IX. — Afrique équatoriale française.

Tout le personnel ayant pris part aux opérations de Dar-Sila ( mai-juin 1916 ).

X. — Indochine.

Tout le personnel ayant pris part aux opérations ayant eu lieu dans la province de Son La ( décembre 1914, 25 avril 1915 ), dans de Haut-Laos et contre les révoltés de Thai-Nguyen.

(1) La présente liste qui se borne à des indications générales sera complétée pour la publication dans une instruction ministérielle, par rémunération détaillée des unités, afin de tenir compte des cas particuliers.

 

 

 


 

 

 

INSTRUCTION du 7 octobre 1922
relative à l'application de la loi instituant la médaille interalliée de la Victoire

J.O. du 12 octobre 1922 - Page 10141

 

 

Paris, le 7 octobre 1922.

La présente instruction a pour but d'énumérer les diverses catégories d'ayants droit à la médaille de la Victoire et de préciser certains détails d'application de la loi du 20 juillet 1922.
Il ne sera pas délivré de diplôme. Tiendront lieu de diplôme et donneront aux intéressés le droit de porter l'insigne, qu'ils pourront se procurer à leurs frais, dès sa mise en vente dans le commerce :
a) L'autorisation provisoire du port du ruban de la médaille de la Victoire antérieurement remise aux ayants droit prévue par l'instruction ministérielle du 2 novembre 1919 (Journal officiel du 4 du même mois ).
b) L'autorisation du port de la médaille qui sera délivrée, par les autorités énumérées au paragraphe 2, aux ayants droit ou à leur famille qui ne seraient pas déjà en possession d'une autorisation provisoire. Des imprimés de demandes d'autorisation seront déposés dans les mairies à la disposition des intéressés, qui sont priés de les compléter par toutes indications utiles se rapportant à leurs diverses situations militaires au cours de la guerre et permettant d'établir leurs droits.

§ 1er. — Ayants droit.
Sans condition de délai.

Ont droit à la médaille de la Victoire sans condition de délai de séjour, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918, après vérification des titres des intéressés par les soins des autorités prévues au paragraphe 2 :

A. – Les militaires, infirmiers et infirmières civils, qui ont reçu la Croix de guerre 1914 1918 ou qui ont été évacués pour blessure de guerre, ainsi que ceux ou celles qui, ayant fait partie des unités énumérées aux tableaux I, II, III, annexés à la présente instruction, ont été évacués pour maladie contractée ou blessure reçue en service.

B. – Les engagés volontaires dits « spéciaux », en vertu de l'article 4 de la loi du 17 août 1915 qui, ayant servi dans la zone des armées, ont été réformés pour maladie contractée ou blessure reçue en service.

C. – Les militaires de la classe 1919 et ceux marchant avec cette classe qui ont été envoyés en renfort, avant l'armistice, dans les formations énumérées aux tableaux I, II, III annexés à la présente instruction.

D. – Les militaires prisonniers de guerre qui n'ont pas subi de condamnation, prononcée par un conseil de guerre français, à l'occasion de leur capture ou de leur séjour en captivité, ou qui ne seront pas l'objet d'une décision contraire du ministre. Pour cette catégorie, il appartient spécialement aux autorités chargées de recevoir les demandes ( § 2 de l'instruction ) de s'assurer que rien ne s'oppose à la délivrance de l'autorisation. Les cas douteux, accompagnés d'un avis motivé, seront transmis pour décision au ministre ( cabinet, 2e bureau ).

E. – Les Alsaciens-Lorrains engagés volontaires qui ont appartenu pendant une durée quelconque à une unité combattante, et ceux qui justifieront avoir déserté les rangs allemands, même s'ils n'ont pas été, après leur engagement, affectés à une unité combattante.

F. – Les militaires, infirmiers et infirmières civils, qui ont été tués à l'ennemi ou qui sont morts des suites de blessures de guerre, ainsi que ceux ou celles ayant appartenu à l'une des unités énumérées aux tableaux I, II, III annexés à la présente instruction, qui sont morts de maladie contractée ou blessure reçue en service.

Sous condition de trois mois de présence.

A. – La médaille de la Victoire est accordée, sous réserve de trois mois de présence, consécutifs ou non, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918 :
a) A tous les militaires ayant appartenu à l'une des unités, ou à l'un des services énumérés aux tableaux I, II, III annexés à la présente instruction.
b) Aux infirmiers et infirmières civils ayant fait partie des formations sanitaires énumérées, aux tableaux I, II, III de la présente instruction et seulement pour les périodes durant lesquelles ces formations ont pu s'acquérir des titres à la médaille.
c) S'ils n'ont pas acquis de droits à la médaille dans leur pays d'origine, les étrangers ( militaires et civils ) ayant servi directement sous les ordres du commandement français dans les unités ou formations énumérées aux tableaux I, II, III, et sous réserve pour lesdits étrangers, dont le gouvernement a adopté le projet de la médaille de la Victoire au cours de la conférence de la paix du 24 janvier 1919, de fournir à l'appui de leur demande l'approbation de leur gouvernement respectif.
d) La médaille est accordée aux maréchaux et officiers généraux ayant, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918, commandé pendant au moins trois mois, consécutifs ou non, une unité même supérieure au corps d'armée.

Remarque. – Le temps passé dans les lignes ennemies par le personnel militaire du service de santé, tombé aux mains de l'ennemi en assurant ses fonctions près des blessés, compte dans le délai de trois mois exigé pour les ayants droit.

Sous condition de dix-huit mois de présence.

Ont également droit à la médaille, sous réserve de dix-huit mois de présence, consécutifs ou non, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918, dans la zone des armées des théâtres du Nord et du Nord-Est ou de la zone des théâtres extérieurs d'opérations dont la désignation est donnée ci-dessous :
a) Les militaires relevant du commandement des armées ou des théâtres extérieurs d'opérations ainsi que les agents mobilisés des portions actives et des subdivisions complémentaires territoriales des chemins de fer de campagne et le personnel militarisé du service de la télégraphie militaire de 2e ligne.
b) Les militaires qui ont relevé du commandement des régions situées dans la zone des armées du Nord et du Nord-Est et seulement pour les périodes durant lesquelles ces régions ont appartenu auxdites zones.
c) Les infirmiers et infirmières civils ayant servi dans les mêmes conditions que les militaires visés aux deux alinéas ci-dessus.
d) S'ils n'ont pas acquis des droits à la médaille dans leur pays d'origine, les étrangers ( militaires et civils ) ayant servi directement sous les ordres du commandement français, dans les conditions prévues pour les militaires français, et sous réserve pour lesdits étrangers dont le gouvernement a adopté le projet de la médaille de la Victoire, au cours de la conférence de la paix du 24 janvier 1919, de fournir à l'appui de leur demande l'approbation de leur gouvernement respectif.

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NOTA. – Conformément à l'article 14 de la loi du 20 juillet 1922, n'auront pas droit à la médaille, les militaires ou civils qui auront été reconnus indignes à la suite des condamnations sans sursis, au cours de la campagne, pour faits qualifiés « crimes » par le code de justice militaire.

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§ 1er. — Délimitations successives de la zone des armées des théâtres du Nord et du Nord-Est.

Les délimitations successives de la zone des armées des théâtres du Nord et du Nord-Est sont déterminées par différents arrêtés ministériels qui ont été publiés dans les conditions suivantes :

DATES DES ARRÊTÉS

DOCUMENTS ET DATES DE PUBLICATION

2 août 1914
16 août 1914
28 août 1914
29 août 1914
1er septembre 1914
17 novembre 1914
19 novembre 1914
4 janvier 1915
13 février 1915
27 mai 1915
28 septembre 1917
24 mars 1918
26 mars 1918
27 mars 1918
29 mars 1918
2 juin 1918
25 juin 1918
28 juin 1918
22 août 1918
5 novembre 1918
24 novembre 1918
Bulletin officiel, 2e semestre 1914, page 1399.
Bulletin officiel, 2e semestre 1914, page 1436.
Bulletin officiel, 2e semestre 1914, page 1516.
Bulletin officiel, 2e semestre 1914, page 1519.
Bulletin officiel, 3e semestre 1917, page 1931.
Bulletin officiel, 3e semestre 1917, page 1937.
Bulletin officiel, 3e semestre 1917, page 1938.
Bulletin officiel, 3e semestre 1917, page 1941.
Bulletin officiel, 3e semestre 1917, page 1942.
Bulletin officiel, 3e semestre 1917, page 1945.
Bulletin officiel, 4e semestre 1917, page 2796.
Bulletin officiel, 2e semestre 1918, page 810.
Bulletin officiel, 2e semestre 1918, page 858.
Bulletin officiel, 2e semestre 1918, page 863.
Bulletin officiel, 2e semestre 1918, page 913.
Bulletin officiel, 3e semestre 1918, page 1816.
Bulletin officiel, 3e semestre 1918, page 2073.
Bulletin officiel, 3e semestre 1918, page 2080.
Bulletin officiel, 3e semestre 1918, page 2586.
Bulletin officiel, 4e semestre 1918, page 3215.
Bulletin officiel, 4e semestre 1918, page 3326.

Ces renseignements rapprochés de ceux fournis par les journaux de marche des différentes unités, doivent permettre aux autorités chargées de la délivrance des autorisations spéciales, d'examiner les demandes des ayants droit prévus ci-dessus.
Ils ne s'appliquent pas aux différents théâtres d'opérations extérieurs ( Orient, Palestine-Syrie, Russie-Caucase, Sibérie, Roumanie, Maroc, Afrique du Nord ( Sud-Tunisien et Sud-Algérien ), Cameroun, Afrique occidentale française et Afrique équatoriale française, Indo-Chine ), qui doivent être considérés, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918, comme zone des armées.

Remarque importante. – Dans le décompte des dix-huit mois de présence, un mois de séjour dans une des unités énumérées aux tableaux I, II, III sera compté comme six mois de séjour dans la zone des armées des différents théâtres d'opérations.

§ 2. — Autorités chargées de recevoir les demandes, d'établir et de délivrer les autorisations.

Les autorisations spéciales prévues à l'article 13 de la loi du 20 juillet 1922, seront après examen des titres des intéressés, établies sur papier blanc de qualité convenable et de format tellière, d'après le modèle annexé à la présente instruction, par les autorités désignées ci-dessous qui devront les adresser sans délai aux nouveaux ayants droit, après enregistrement sur un registre destiné à cet effet.
Toute demande présentée par un ayant droit déjà titulaire de l'autorisation provisoire devra recevoir satisfaction.

Militaires sous les drapeaux.

a) Maréchaux et officiers généraux ( ministère de la guerre, cabinet du ministre, 3e bureau ).
b) Corps de troupes, états-majors et services ( chef de corps ou de service auquel compte actuellement l'intéressé ).

Hommes dégagés de toutes obligations militaires.

a) Officiers rayés des cadres et militaires des classes antérieures à 1890 ( ministère de la guerre, service du personnel et du matériel de l'administration centrale, archives administratives ).
b) Militaires des classes 1891 à 1893, militaires réformés des classes 1891 à 1919, et familles des militaires tués ou décédés dans les conditions stipulées au paragraphe 1er de l'instruction : commandant du bureau de recrutement d'origine.

Officiers de complément et hommes de troupe des classes 1891 à 1919.

a) Personnels des corps de troupes et services : chef de corps ou de service porté sur le fascicule de mobilisation.
b) Officiers de complément hors cadres : général commandant la subdivision de résidence.
c) Hommes de troupe non pourvus de fascicule de mobilisation ( affectation spéciale, non-affectation et non-disponibilité ) : bureau de recrutement administrateur.
d) Personnels des sections de chemin de fer de campagne et du service de la trésorerie et postes aux armées : état-major de l'armée, 4e bureau.

Etrangers et personnes n'ayant pas servi en qualité de militaires.

a) Personnes ayant servi dans les formations sanitaires : ( direction du service de santé du ministère de la guerre ).
b) Autres personnes, ministère de la guerre : état-major de l'armée ou directions d'armes intéressées.
Observations. – Au cas où l'une des autorités désignées ci-dessus ne pourrait être en mesure de délivrer l'autorisation spéciale, par suite de l'insuffisance de renseignements et en particulier de ceux concernant le temps de séjour passé dans une des unités prévues aux tableaux I, II, III, ou dans la zone des armées, il appartient à cette autorité d'adresser au corps ou service qualifié, la demande de l'intéressé, pour suite à donner, en lui fournissant tous les renseignements utiles à cet effet, qui seraient déjà en sa possession.

§ 3. — Cas litigieux. — Réclamations.

Tous les cas litigieux ou douteux qui n'auraient pu être l'objet d'une décision par les généraux commandant les corps d'armée ou les régions devront être soumis, avec avis, au ministre ( cabinet, 2e bureau ).

Le ministre de la guerre et des pensions, Maginot.

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ERRATA au Journal officiel du 12 octobre 1922
J.O. du 22 octobre 1922 - Page 10433

12 octobre 1922 : page 10146, 2e colonne, 72e ligne, au lieu de : « 4e bataillon : 4/1, 4/51, 4/52, 4/3 », lire : 4e bataillon : 4/1, 4/51, 4/2, 4/52, 4/3 ».

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ERRATA au Journal officiel du 12 octobre 1922
J.O. du 16 novembre 1922 - Page 11047

Page 10142, 2e colonne, 2° hommes dégagés de toutes obligations militaires, au lieu de : « officiers rayés des cadres et militaires des classes antérieures à 1890 », lire : « des classes antérieures à 1891 » ; au lieu de : « militaires des classes 1891 à 1893, militaires réformés des classes 1891 à 1919 », lire : « militaires des classes 1891 à 1894, militaires réformés » ; au lieu de : « 3° officiers de complément et hommes de troupe des classes 1894 à 1919 », lire : « des classes 1895 à 1919 » ; au lieu de : « c, hommes de troupe non pourvus de fascicules de mobilisation... bureau de recrutement administrateur », lire : « c, hommes de troupe non pourvus de fascicules de mobilisation... bureau de recrutement d'origine ».
Page 10144, 2e colonne, 41e ligne, au lieu de : « [illisible], 201, 209, 222 », lire : « régiments 1 à 145, 201, 209, 211, 222 ».
Page 10146, 2e colonne, 80e ligne, au lieu de : « 22e bataillon, 22/21, 22/51, 22/2 », lire : « 22e bataillon 22/1, 22/51, 22/2 ».

 

 

 


 

 

 

AVIS de concours pour l'exécution de la médaille interalliée de la guerre, dite de la victoire
J.O. du 9 novembre 1922 - Page 10887

 

 

Ministère de l'instruction publique et des beaux-arts.

Concours pour l'exécution de la médaille commémorative interalliée de la guerre dite « Médaille de la victoire ».

La médaille sera exécutée par voie de concours entre tous les artistes français, d'après le programme ci-après qui a été arrêté, de façon que les différentes médailles exécutées par chaque nation alliée ou associée soient d'un aspect aussi identique que possible :
a) La médaille sera en bronze, ronde et du module d'environ 36 millimètres ; sa couleur, sa patine, son épaisseur, ainsi que sa bélière, seront semblables à celles de la médaille commémorative de 1870 ;
b) L'avers représentera une victoire ailée, en pied, debout et au milieu de la médaille et de face ; le fond et les bords seront unis ; mais aucune inscription, ni date ; la tranche sera également unie ;
c) Le revers portera l'inscription : « la grande guerre pour la civilisation ».

Outre l'inscription obligatoire, le revers pourra comporter un encadrement décoratif. Les projets présentés par les concurrents devront être en plâtre non patiné, modelé, face et revers, à la dimension de 20 centimètres de diamètre. Ils comporteront, en outre, une réduction photographique à la grandeur d'exécution.
Pour l'établissement du projet, il y aura lieu de tenir compte qu'au moment de la frappe, la médaille devra être du type à relief moyen, pouvant être obtenu au balancier, en deux passes.

Le jury chargé de désigner le projet qui sera soumis à l'agrément du Gouvernement, sera composé comme suit :
8 représentants de l'administration des beaux-arts.
2 représentants du ministère de la guerre.
1 représentant du ministère de la marine.
1 représentant du ministère des colonies.
Le rapporteur de la loi instituant la médaille à la Chambre des députés.
Le rapporteur de la 1oi instituant la médaille au Sénat.
Le directeur de l'administration des monnaies et médailles.
L'ingénieur chef de l'exploitation de l'administration des monnaies et médailles.
Deux fabricants de médailles désignés par la chambre syndicale de la bijouterie.
Deux artistes graveurs en médaille désignés par le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts.
Deux sculpteurs désignés par le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts.
Deux artistes décorateurs désignés par le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts.
Dix jurés au plus nommés par les concurrents.
Ces jurés ne pourront prendre part au concours. L'élection des jurés par les concurrents se fera à un seul tour de scrutin, à la majorité relative, par le dépouillement des votes remis sous enveloppes cachetées en même temps que le projet. Le dépouillement aura lieu en séance publique, en présence des autres membres du jury.

Les primes suivantes, imputables sur le budget de la guerre, seront accordées aux auteurs de projets classés par le jury dans l'ordre ci-après :
3,000 fr. pour le projet classé premier.
2,000 fr pour le projet classé deuxième.
1,500 fr. pour le projet classé troisième.
1,000 fr. pour le projet classé quatrième.
500 fr. pour le projet classé cinquième.
500 fr. pour le projet classé sixième.
500 fr. pour le projet classé septième.
500 fr. pour le projet classé huitième.
500 fr. pour le projet classé neuvième.
500 fr. pour le projet classé dixième.
Si le projet qui réunira le plus grand nombre de voix n'offrait cependant pas toutes les garanties d'exécution, le classement n'entrainerait pas pour l'administration des beaux-arts l'obligation de procéder à commande.

L'artiste dont le projet aura été définitivement adopté recevra de l'administration des beaux-arts la commande des instruments de frappe nécessaires ; il devra fournir, dans un délai de deux mois, des galvanos nickelés à l'administration des monnaies et médailles ; celle-ci établira, aux frais de l'artiste, les instruments de frappe qui comprendront : un poinçon face et un poinçon revers, un coin face et un coin revers. Ces instruments seront la propriété de l'administration des beaux-arts. L'artiste recevra, pour cette commande, une somme de 4,000 fr. L'administration des monnaies et médailles est chargée de la frappe et de la vente de la médaille. L'artiste recevra une remise de 2 centimes par exemplaire de médaille vendu.

Les projets présentés devront être déposés au commissariat des expositions des beaux-arts, Grand-Palais, avenue d'Antin, porte C, entre le 1er et le 15 février 1923, dernier délai. Le concours est rigoureusement anonyme. Les projets et photographies porteront une devise qui sera reproduite sur une enveloppe cachetée, contenant les nom, prénoms et adresse de l'artiste. Chaque concurrent, sous peine de disqualification, ne peut présenter qu'un projet. L'acceptation de la part des concurrents de prendre part à ce concours comporte l'acceptation de toutes les conditions énumérées ci-dessus, sans réserve aucune.

 

 

 


 

 

 

INSTRUCTION du 11 décembre 1922
relative à l'application à la marine de la loi du 20 juillet 1922
instituant la médaille interalliée dite médaille de la Victoire

J.O. du 14 décembre 1922 - Page 11969

 

 

La présente instruction a pour but d'énumérer les diverses catégories d'ayants droit à la médaille de la Victoire et de préciser certains détails d'application de la loi du 20 juillet 1922, en ce qui concerne l'armée de mer.

I. — Il ne sera pas délivré de diplôme. Tiendront lieu de diplôme et donneront aux intéressés le droit de porter l'insigne, qu'ils pourront se procurer à leurs frais dans le commerce :
a) L'autorisation provisoire du port du ruban de la médaille de la Victoire antérieurement remise aux ayants droit par application de l'instruction ministérielle du 20 novembre 1919 ( Journal officiel du 23 novembre 1919 ) ;
b) L'autorisation du port de la médaille qui sera délivrée par les autorités énumérées au paragraphe 6, aux ayants droit ou à leur famille qui ne seraient pas déjà en possession d'une autorisation provisoire.
Des imprimés de demandes d'autorisation seront déposés dans les mairies à la disposition des intéressés, qui sont priés de les compléter par toutes indications utiles se rapportant à leurs diverses situations au cours de la guerre et permettant d'établir leurs droits.

Ayants droit.
II. — Ayants droit sans condition de délai.

Ont droit à la médaille de la Victoire sans condition de délai de séjour, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918 :
a) Les marins de la marine militaire et de la marine marchande, les infirmiers et infirmières civils qui ont reçu la Croix de guerre 1914-1918 ou qui ont été évacués pour blessure de guerre, ainsi que ceux qui, ayant fait partie des bâtiments et formations compris dans la liste du 25 avril 1922 ( B. O. de la marine, page 720 ), ont été évacués pour maladie contractée ou blessure reçue en service ;
b) Les marins de la classe 1919 et ceux marchant avec cette classe qui ont été affectés, avant l'armistice, aux bâtiments ou formations compris dans la liste précitée ( 25 avril 1922, B. O. ) ;
c) Les marins de la marine militaire et de la marine marchande prisonniers de guerre, qui n'ont pas subi de condamnation prononcée par un conseil de guerre français à l'occasion de leur capture, ou qui ne seront pas l'objet d'une décision contraire du ministre. Pour cette catégorie, les autorités chargées de recevoir les demandes devront s'assurer que rien ne s'oppose à la délivrance de l'autorisation. Les cas douteux, accompagnés d'un avis motivé, seront transmis pour décision au ministre ( Personnel militaire : 3e bureau ) ;
d) Les Alsaciens et Lorrains engagés volontaires, qui ont appartenu pendant une durée quelconque à l'une des unités visées ci-dessus et ceux qui justifieront avoir déserté les rangs allemands, même s'ils n'ont pas été, après leur engagement, affectés à une de ces unités ;
e) Les marins de la marine militaire et de la marine marchande, les infirmiers et infirmières civils qui ont été tués à l'ennemi ou sont morts des suites de blessures de guerre, ainsi que ceux ou celles ayant appartenu à l'un des bâtiments ou services énumérés sur la liste du 25 avril 1922 qui sont morts de maladie contractée ou blessure reçue en service.

III. — Ayants droit sous condition de trois mois de présence.

La médaille de la Victoire est accordée, sous réserve de trois mois de présence, consécutifs ou non, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918 :
a) Au personnel de la marine détaché à des formations de l'armée de terre donnant droit à la médaille sous la même réserve ;
b) Aux marins de la marine militaire et de la marine marchande ayant appartenu à l'un des bâtiments ou formations mentionnés dans la liste du 25 avril 1922 ( B. O., page 720 ) pendant les périodes qui y sont indiquées ;
c) Au personnel des navires de commerce pourvus d'un armement défensif pour les périodes pendant lesquelles ces bâtiments ont navigué effectivement ;
d) Aux infirmiers et infirmières civils ayant fait partie des unités mentionnées dans la liste du 25 avril 1922 ( B. O. ), pendant les périodes qui y sont indiquées ;
e) S'ils n'ont pas acquis de droits à la médaille dans leur pays d'origine, les étrangers ( militaires et civils ) ayant servi directement sous les ordres du commandement français dans les unités ou services figurant sur la liste précitée du 25 avril 1922, et sous réserve pour lesdits étrangers, dont le gouvernement a adopté le projet de la médaille de la Victoire au cours de la conférence de la paix du 24 janvier 1919, de fournir à l'appui de leur demande l'approbation de leur gouvernement respectif ;
f) Aux officiers généraux ayant exercé un commandement en chef.

IV. — Ayants droit sous condition de dix-huit mois de présence.

Ont droit à la médaille, sous réserve de dix-huit mois de présence, consécutifs ou non, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918 :
a) Le personnel de l'armée de mer détaché dans les formations de l'armée de terre ayant droit à la médaille, sous réserve de dix-huit mois de présence ;
b) Le personnel de l'armée de mer ayant servi dans la zone des armées du Nord en dehors des unités prévues au paragraphe précédent ;
c) Les marins ayant appartenu aux bâtiments et formations compris dans la liste du 25 avril 1922, en dehors des périodes qui y sont fixées ;
d) Les marins embarqués sur des bâtiments de la marine militaire non mentionnés dans cette liste ;
e) Le personnel de l'armée de mer ayant servi dans les bases navales situées hors de la France continentale et qui n'est pas déjà compris dans la liste précitée ;
f) Le personnel volant des écoles de l'aéronautique ;
g) Le personnel de la marine de commerce ayant navigué effectivement en haute mer ( à l'exclusion des rivières ), dans les zones et pour les périodes indiquées ci-dessous :
Mer Baltique, 2 novembre 1914-11 novembre 1918.
Mer du Nord, 2 août 1914-11 novembre 1918.
Océan Glacial arctique ( y compris la mer de Barentz et la mer Blanche ), 1er juillet 1915-11 novembre 1918.
Atlantique et mer d'Irlande, 2 août 1914-11 novembre 1918.
Mer des Antilles et golfe du Mexique, 2 août 1914-15 mars 1915.
Manche, 2 août 1914-11 novembre 1918.
Méditerranée ( y compris la mer Ionienne et la mer Egée ), 2 août 1914-10 août 1914 ; 1er mai 1915-11 novembre 1918.
Adriatique, 2 août 1914-11 novembre 1918.
Mer Noire, 2 novembre 1914-11 novembre 1918.
Océan Indien ( y compris la mer d'Oman et le golfe du Bengale ), 2 août 1914-8 novembre 1914 ; 25 décembre 1916-2 décembre 1917.
Pacifique ( y compris la mer de Chine, la mer Jaune et la mer du Japon ), 2 août 1914-8 décembre 1914 ; 25 mars 1917-1er octobre 1917 ;
h) Les infirmiers et infirmières civils ayant servi dans les mêmes conditions que les marins visés aux alinéas ci-dessus ;
i) S'ils n'ont pas acquis de droits à la médaille dans leur pays d'origine, les étrangers ( militaires ou civils ), ayant servi directement sous les ordres du commandement français dans les conditions prévues pour les marins français, et sous réserve, pour lesdits étrangers, dont le gouvernement a adopté le projet de médaille de la Victoire au cours de la conférence de la paix, du 24 janvier 1919, de fournir à l'appui de leur demande l'approbation de leur gouvernement respectif.

Remarque. — Dans le décompte des dix-huit mois de présence, un mois de séjour dans une unité donnant droit à la médaille au bout de trois mois, comptera comme six mois de séjour dans les formations donnant droit à la médaille au bout de dix-huit mois.

V. — Conformément à l'article 14 de la loi du 20 juillet 1922, n'auront pas droit à la médaille les marins ou civils qui auront été reconnus indignes à la suite des condamnations sans sursis prononcées au cours de la campagne pour faits qualifiés « crime » par le code de justice militaire pour l'armée de mer.

Autorités chargées de recevoir les demandes, d'établir et de délivrer les autorisations.

VI. — Les autorisations seront délivrées par les autorités ci-après :
a) Officiers généraux. – Ministère de la marine ( direction du personnel militaire : 3e bureau ) ;
b) Officiers supérieurs et subalternes. – Le commissaire, chef du service de la solde du port d'attache ;
c) Officiers auxiliaires. – L'administrateur de leur quartier, pour ceux qui appartiennent à la marine marchande ; le commissaire, chef du service de la solde de Cherbourg, pour les commissaires auxiliaires ;
d) Personnel non officier. – Le commandant du dépôt d'immatriculation ou l'administrateur du quartier d'inscription, suivant le cas ;
e) Marins du commerce. – L'administrateur de leur quartier d'immatriculation ;
f) Infirmiers et infirmières civils. – Ministère de la marine ( direction du service de santé : 1er bureau ) ;
g) Etrangers. – Ministère de la marine ( bureau du cabinet et de la correspondance générale ).

Formalités à remplir pour recevoir l'autorisation de porter la médaille de la Victoire.

VII. — a) Les intéressés devront adresser leurs demandes à l'autorité chargée d'établir l'autorisation en mentionnant le nom des bâtiments ou services au titre desquels ils ont acquis droit ;
b) Les demandes formulées par les parents des ayants droit décédés devront être adressées, suivant le cas, aux autorités mentionnées ci-dessus et être accompagnées d'un certificat délivré par le maire sur l'attestation de deux témoins affirmant que le demandeur est le parent le plus rapproché du défunt dans l'ordre suivant : le fils aîné ( ou, à défaut de fils aîné, la fille aînée ) la veuve non remariée, le père, la mère, le plus âgé des frères ( ou, à défaut, la plus âgée des sœurs ), et ainsi de suite ;
c) Les autorisations seront établies suivant le modèle ci-annexé. Mention en sera portée sur les matricules et sur les livrets des intéressés.

Remarque. – Au cas où l'autorité compétente ne serait pas en mesure de constater le droit de l'impétrant par suite de l'insuffisance des renseignements portés à la matricule, elle devra s'adresser au port comptable de l'unité au titre duquel le droit à la médaille est acquis.

Cas litigieux.

VIII. — Les cas litigieux ou douteux devront être soumis, avec avis, au ministère de la marine ( direction du personnel militaire : 3e bureau ).

Fait à Paris, le 11 décembre 1922.

Le ministre de la marine, Raiberti.

 

 

 


 

 

 

ADDITIF du 6 mars 1923
à la liste des formations des armées dont le personnel a droit
à la médaille interalliée dite de la Victoire au bout de trois mois
( Journal officiel du 12 octobre 1922 )

J.O. du 6 mars 1923 - Page 2186

 

 

Tableau I, théâtre des opérations du Nord et du Nord-Est :
Page 10147, à la suite des unités relevant du 7e rég. du génie, ajouter : « compagnie 15/13 ».
Page 10148, à la suite des compagnies de cantonniers, lire : « personnel des compagnies de cantonniers dites d'étapes », et aux observations ajouter : « Sous réserve de trois mois de présence dans ces unités pendant la période qui a précédé la date ( fin de 1917 ) à laquelle ces compagnies ont reçu la dénomination d'étapes ».

Tableau II, zone d'opérations des théâtres extérieurs : Palestine, Syrie :
Page 10151, à la suite du service automobile, lire : « Prévôté, Personnel du détachement français ».

 

 

 


 

 

 

AVIS relatif à la mise en vente
de la médaille commémorative interalliée de la grande guerre dite de la Victoire

J.O. du 4 août 1923 - Page 7644

 

 

Ministère des finances.

Avis au public.

La fabrication du modèle officiel et réglementaire de la médaille commémorative interalliée de la grande guerre, dite « de la Victoire », instituée par la loi du 20 juillet 1922, est exclusivement réservée à l'administration des monnaies et médailles.
La Monnaie mettra en vente cet insigne dans les premiers jours du mois d'août 1923.
Cette médaille sera vendue aux conditions suivantes :
Par commandes de 1 à 99 exemplaires, 3 fr. 00 l'exemplaire.
Par commandes de 100 exemplaires au moins, 2 fr. 80 l'exemplaire.
Par commandes de 1,000 exemplaires au moins, 2 fr. 45 l'exemplaire.
Une réduction sur le prix global des deux médailles sera consentie pour l'achat simultané d'un même nombre d'exemplaires de la médaille commémorative de la grande guerre ( créée par la loi du 23 juin 1920 ) et de la médaille interalliée susvisée.
Le groupe de ces deux médailles sera vendu aux conditions suivantes :
Par commandes de 1 à 99 exemplaires de chacune des deux médailles : 5 fr. 25 le groupe des deux médailles.
Par commandes de 100 exemplaires de chacune des deux médailles : 4 fr. 50 le groupe des deux médailles.
Par commandes de 1,000 exemplaires de chacune des deux médailles : 4 fr. le groupe des deux médailles.

Ces prix concernent les insignes complets, y compris ruban et petite boîte. Ils s'entendent pour marchandises prises à la Monnaie et ne comprennent pas les frais d'emballage et de transport, qui sont à la charge des acheteurs.
Les livraisons ou les expéditions ne sont effectuées qu'après versement du prix des insignes, augmenté, s'il y a lieu, des frais d'emballage et de transport, ou bien les envois sont faits contre remboursement.
Les commandes doivent être adressées au directeur de l'administration des monnaies et médailles, 11, quai Conti, à Paris. Elles peuvent être envoyées dès maintenant ; elles seront servies dans l'ordre de leur inscription.

Il est rappelé que les catégories d'ayants droit au port de ces deux insignes ont été fixées :
Pour la médaille commémorative de la grande guerre :
Par l'instruction ministérielle du 20 janvier 1921 ( publiée au Journal officiel, numéro du 22 janvier 1921 de l'édition ordinaire et numéro du 30 janvier 1921 de l'édition des communes );
Pour la médaille interalliée dite « de la Victoire » :
Par l'instruction du ministre de la guerre du 7 octobre 1922 ( Journal officiel du 12 octobre 1922 ), complétée par l'additif inséré au Journal officiel du 6 mai 1923 et par l'instruction du ministre de la marine en date du 11 décembre 1922 ( Journal officiel du 14 décembre 1922 ).

 

 

 


 

 

 

ADDITIF à l'instruction du 7 octobre 1922,
insérée au Journal officiel du 12 octobre 1922

J.O. du 25 janvier 1930 - Page 934

 

 

Liste des formations des armées dont le personnel a droit à la médaille dite « de la Victoire », après trois mois de présence.

Tableau I, théâtre des opérations du Nord et du Nord-Est :
Page 10147, à la suite des unités relevant du 3e rég. du génie, ajouter : « compagnie 1/5 ».
Page 10148, à la suite des unités relevant du 3e rég. du génie, ajouter : « compagnies 1/1 T 1/2 T » ; à la suite des unités relevant du 6e rég. du génie, ajouter : « compagnies 10/1 T, 10/2 T, 11/2 T » ; à la suite des unités relevant du 7e rég. du génie, ajouter « compagnies 15/4 T, 15/5 T ».

 

 

 

 

 


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